Repris à Toulouse, un Rigoletto de bon aloi. Pour la troisième fois depuis 1992 cette production de Rigoletto remporte un franc succès à Toulouse. Prouvant une nouvelle fois que ce qui compte à l’opéra, c’est le respect de l’ouvrage, d’avantage qu’une vision révolutionnaire du chef d‘œuvre. La production capitoline est classique : beaux costumes, décors habiles avec toiles peintes efficaces, lumière élégantes. La mise en scène réduite au minimum n’empêche pas les chanteurs de développer leur personnage à leur guise. C‘est ainsi que Gilda et le Duc sont agréables à regarder mais que le Rigoletto de Ludovic Tézier appartient d’avantage à une version de concert.
Cette reprise permet de bénéficier de la lecture énergique et dramatique du chef Daniel Oren. L‘orchestre du Capitole a tenu sa réputation d‘excellence.
La distribution n’est pas la meilleure des trois vues depuis 1992 mais a semblé équilibrée. Les voix sont toutes larges et rendent hommage à la superbe partition. Toutefois la Gilda de la soprano russe Nino Machaidze a un timbre un peu sombre pour le rôle, le vibrato ample souligne peut-être l’usure due à une fréquentation de rôle trop larges. Le ténor albanais Saimir Pirgu que nous avions connu Mozartien stylé en 2011, a ce soir un timbre ingrat. Pourtant un phrasé et une conduite du chant nuancé en font un Duc stylé. La Maddalena bien sonore et habile comédienne de Maria Kataeva est remarquable. La voix d‘airain du Sparafucile de Sergey Artamonov impressionne. Les autres petits rôles sont bien tenus sans faiblesse. Une mention particulière pour le chœur d‘homme très nuancé et efficace dans la légèreté comme le drame, admirablement préparés par Alfonso Caiani.
Reste le grand triomphateur de la soirée, le baryton Ludovic Tézier qui fait une prise de rôle remarquable. Il a la voix idéale du rôle, le phrasé est impeccable et la conduite du son, verdienne, est parfaite. Vocalement c’est superbe de bout en bout. L’acteur est comme chaque fois avec le baryton français absent. Un Rigoletto qui ne sait pas boiter ni se baisser, jamais ne grimace ni ne semble touché, n’est pas le personnage attendu. Mais la magie de la partition superbement écrite a fonctionné et c’est bien Verdi que le public a applaudi à tout rompre. Il faut dire que l‘actualité barbare avait touché chacun.
La Marseillaise avait ouvert la soirée, créant un sentiment particulier. Le public debout comme un seul homme avait entonné le chant guerrier avec ses paroles terribles. En fin de soirée, chacun a été bien conscient de sa chance d’avoir pu jouir en paix et en sécurité de cette partition aimée et l‘a manifesté dans de longs applaudissements.
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