Il y avait la foule et l’effervescence des grands jours ce lundi 1er juin au Théâtre Sorano pour la présentation de saison 2015/2016. Un rendez toujours très attendu par tous les amoureux du théâtre à Toulouse, plus encore cette année où l’on célébrait un double anniversaire. C’est en effet il y a 50 ans que le lieu fut inauguré, événement salué par la projection d’un documentaire réalisé par Greg Lamazères retraçant un demi-siècle de théâtre au Sorano.
Le film s’ouvre sur des images de Maurice Sarrazin interviewé en 1964 sur le chantier d’une salle où le Grenier de Toulouse allait longtemps résider. Créée en 1945, la compagnie fête en 2015 ses 70 ans d’existence. Pour célébrer cet autre anniversaire, d’une troupe indissociable de l’histoire du théâtre à Toulouse, la municipalité a tenu à distinguer son fondateur en lui remettant la médaille d’or de la Ville.
Maurice Sarrazin, récent nonagénaire, était donc de retour sur le plateau de ce théâtre qu’il connaît mieux que personne pour recevoir sa médaille des mains de Jean-Luc Moudenc. Un début de soirée chargé d’émotion et empreint de nostalgie avant de passer au plat de résistance, la présentation de la prochaine saison. Après trois ans d’une programmation éclectique et agrémentée de nombreuses têtes d’affiche, mêlant formes théâtrales, cirque, danse et chanson, la saison 2015/2016 redonne la primauté au texte et au théâtre.
Des retours
A commencer par celui d’un vieil habitué du lieu, Philippe Caubère. Dix ans après y avoir donné L’Homme qui danse, le comédien reviendra au Sorano avec La Danse du diable (les 13, 16 et 18 octobre) créée à Avignon il y a 34 ans. Un spectacle fondateur, une histoire « comique et fantastique » dans laquelle il raconte sa vie et celle de son entourage où apparaît un certain Ferdinand Faure, son double, né comme lui à Marseille. Philippe Caubère donnera aussi Le Bac 68 les 14 et 17 octobre, une adaptation d’un des épisodes de L’Homme qui danse. Histoire de raconter aux jeunes d’aujourd’hui comment leurs parents ont passé le bac en mai 1968 lors d’événements qui ont durablement bouleversé la société française.
Autres retours et ils vont faire beaucoup d’heureux, ceux d’anciens membres de la compagnie Ex- Abrupto de Didier Carette. Du 9 au 12 février, Grégory Bourut et la compagnie du Blutack Théâtre joueront Antigone dans la version très politique qu’en a faite Bertolt Brecht. Le mois suivant, les 11 et 12 mars, Céline Cohen et Régis Goudot présenteront Sade X, une création autour de l’œuvre de Sade, très fidèle aux écrits du divin marquis, et réservée « à un public adulte averti et consentant »…
On notera également que la comédienne et performeuse Cathy Froment sera de nouveau sur le plateau du Sorano en compagnie de Séverine Astel et Alejandro Moreu Garriga. Trois ans après y avoir créé La Spectatrice de la vitesse, elle reviendra du 21 au 23 janvier avec Les Retireurs des eaux, « nomades d’aujourd’hui qui auraient décidé de s’échapper du monde et de le refaire avec leurs propres règles du jeu ».
Dans un tout autre genre, du 12 au 16 janvier, ce sera le grand retour du Grenier de Toulouse dans un théâtre qui fut longtemps le sien et où il n’avait pas été programmé depuis 13 ans. La troupe dirigée aujourd’hui par Stéphane Batlle et Pierre Matras y reprendra sa version très personnelle du Bourgeois gentilhomme créée la saison dernière à l’Escale de Tournefeuille.
De jeunes talents
La saison 2015/2016 du Sorano s’ouvrira « hors les murs » avec la jeune et prometteuse bande des LabOrateurs qui occupera de nouveau le site d’AZF du 15 au 26 septembre pour y reprendre Hyperland. Première création collective de la première promotion issue du CRR de Toulouse depuis que celui-ci propose un cycle complet d’études théâtrales, ce projet original offre une réflexion sur la mémoire collective, notre passé et notre avenir, à partir de textes de Patrick Kermann, Jean-Yves Picq, Sylvain Levey et Alexis de Tocqueville. Un rendez-vous à ne pas manquer avec la relève et les futurs grands noms du théâtre toulousain.
Autre jeune talent à découvrir, celui de Maëlle Poesy qui mettra en scène Candide, si c’est ça le meilleur des mondes du 10 au 12 décembre avec les comédiens de la bien nommée compagnie Drôle de Bizarre. Une adaptation du très actuel conte philosophique de Voltaire à une époque, la nôtre, où obscurantisme et barbarie font de plus en plus souvent irruption dans notre quotidien.
Le mal, sujet de réflexion éternel pour les artistes. On attendra donc avec grand intérêt les représentations de Barbecues, la nouvelle création du Collectif De Quark du 17 au 19 mars. Un spectacle monté en collaboration avec le romancier Alban Lefranc dont le texte s’inspire librement de 2666, le livre de Roberto Bolaño. Fruit d’un long temps de résidence et d’enquête au Mexique, notamment à Ciudad Juarez, ville parmi les plus dangereuses au monde, Barbecues sera le récit de l’expérience intense de ce voyage, entre fiction délirante et réalité monstrueuse.
Des valeurs sûres
Régulièrement programmés au TNT depuis quelques années et artiste associé de la scène nationale d’Albi, le metteur en scène Sébastien Bournac et sa compagnie Tabula Rasa le seront cette fois-ci au Sorano du 3 au 7 novembre avec Dialogue d’un chien avec son maître. Sous-titrée « Sur la nécessité de mordre ses amis », l’adaptation de ce texte féroce de Jean-Marie Piemme permettra de découvrir le duo détonnant formé par les talentueux Régis Goudot et Ismaël Ruggiero.
Également programmée la saison dernière au TNT, Trust, création 2014 du Groupe Merci, sera donnée « hors les murs » du 24 au 28 novembre dans un lieu qui reste à définir. Poursuivant sa quête d’inventivité scénographique au service d’écritures contemporaines aux thèmes souvent très politiques, la compagnie dirigée par Solange Oswald et Joël Fesel donne vie à ce texte de Falk Richter dénonçant « la catastrophe immanente au système » (selon le mot de l’auteur) dans un monde toujours plus dominé par la publicité et l’argent.
Il avait émerveillé le public l’an passé dans le magnifique Tout Dostoïevski, le comédien Emmanuel Vérité redonnera le 27 janvier ce même spectacle coécrit avec Benoît Lambert. Il enchaînera les 28 et 29 avec L’Art du bricolage, autre création loufoque et poétique du duo Lambert/Vérité.
A l’affiche du Sorano depuis plusieurs saisons, le metteur en scène Laurent Brethome et sa compagnie Le Menteur volontaire y reviendront les 5 et 6 avril en portant sur scène Pierre. Ciseaux. Papier, un texte de Clémence Weill récompensé par le Grand Prix de la Littérature dramatique 2014.
Jacques Nichet, ancien directeur du CDN de Toulouse lorsque celui-ci déménagea du Sorano pour prendre ses quartiers au TNT, reviendra lui aussi dans la ville rose du 13 au 15 avril avec Braise et Cendres, une adaptation de l’œuvre de Blaise Cendrars où il dirige et met en scène le comédien Charlie Nelson.
De nouvelles têtes
Dans la veine poétique de cette saison, une curiosité les 24 et 25 novembre : Les Sonnets de Shakespeare, un spectacle musical où nous est racontée la vie du grand dramaturge anglais à travers des poèmes tirés de son fameux recueil de sonnets. Un cabaret pop élisabéthain mené par la comédienne Norah Krief qui se fait chanteuse sous la direction de Richard Brunel, le directeur du CDN de Valence.
Dans un registre plus politique, Vous reprendrez bien un peu de liberté… est programmé du 3 au 5 décembre. Inspirée de L’Île des Esclaves de Marivaux et de La Stratégie du choc, la montée d’un capitalisme du désastre de Naomi Klein, cette nouvelle création de Jean-Louis Hourdin est présentée par son auteur comme « un spectacle carnavalesque terrible sur le monde d’aujourd’hui à travers les exemples de ce qu’ont vécu, économiquement, les peuples de la terre depuis une cinquantaine d’années ».
Et dans un registre poético-mystique, un autre spectacle musical, celui que donnera le chanteur et compositeur Rodolphe Burger le 5 février avec Le Cantique des Cantiques et Hommage à Mahmoud Darwich. Hommage au grand poète palestinien et à Alain Bashung, le spectacle est composé de deux parties qui se répondent l’une l’autre. La première est consacrée au Cantique des Cantiques interprété à deux voix, le texte hébreu étant dit par la chanteuse israélienne Ruth Rosenthal, et la seconde à une création musicale à partir du poème de Darwich S’envolent les colombes.
… et quelques têtes d’affiche
Après Philippe Caubère en début de saison, c’est Valère Novarina en personne qui fera son retour au théâtre Sorano du 17 au 19 décembre pour y donner Le Vivier des Noms. Créé quelques mois auparavant lors du festival d’Avignon, ce spectacle sera l’occasion de se confronter une nouvelle fois à l’écriture, la mise en scène et plus généralement à l’œuvre toujours aussi singulière d’un des plus grands auteurs vivants.
Au même moment, les 17 et 18 décembre mais au théâtre Jules-Julien, c’est le subtil Fellag qui offrira au public toulousain Bled Runner, une sorte de best of de ses précédents spectacles. A partir de ses sketchs les plus marquants et les plus signifiants pour l’époque, il évoquera les relations tendues entre sociétés française et algérienne. Des rapports « si délicats que seul l’humour peut les caresser sans se brûler les doigts »…
Dans cette programmation dense et variée, qui mêle artistes confirmés et nouveaux talents, textes classiques et contemporains, émergent de nombreux sujets politiques. Une volonté qui se cristallisera le 7 janvier 2016 autour de débats et rencontres. Un temps d’échanges et de réflexion pour commémorer, « 365 jours plus tard », la tuerie dans les locaux de Charlie Hebdo.
La saison 2015/2016 verra aussi une nouvelle direction prendre les commandes du Théâtre Sorano. Après un appel à projets lors du premier semestre 2015 et l’étude de 13 dossiers de candidatures, c’est finalement Sébastien Bournac qui a été choisi par la ville de Toulouse.
Il prendra ses fonctions le 1er janvier 2016 pour trois saisons pleines jusqu’au 31 août 2019.
L’histoire continue…
05 81 91 79 19
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photo Théâtre Sorano © Gilles Vidal