Il y a actuellement sur la scène du théâtre du Grand Rond, un artiste qui ne paie pas de mine mais dont le conte théâtralisé est suffisamment bien mené pour vous encourager à y aller.
Dans son Road movie du taureau bleu, Frédéric Naud raconte les premiers émois de l’adolescence avec un mélange de réalisme et de décalage plutôt heureux. Le conteur joue aussi bien les narrateurs que les personnages. « Les narrateurs » car l’histoire est autant racontée du point de vue omniscient que du point de vue subjectif, notamment celui de Cédric, personnage principal et garçon timide amoureux de Sonia, qui passe sa vie à mâcher des chewing-gums et qui partage avec lui les rangs de la 5eA (« avec un A comme dans Amour » – c’est clair, non ?). Ça pourrait sentir la parodie de Teen Movies (pour les non anglophones : films d’ados américains) remplie d’appareils dentaires, de casiers scolaires piégés et de vilains costauds qui aiment bien taper sur les garçons sensibles mais non. Cédric est donc de ces derniers, et son Amour pour sa divine princesse va bénéficier de deux adjuvants pour qu’il puisse se substituer au chewing-gum de mademoiselle: elle et lui ont une tante handicapée mentale qui crèche au foyer Arc-en-Ciel, tantes avec lesquelles ils ont par ailleurs de solides relations affectives… outre ce terrain favorable au rapprochement des deux boutonneux, Cédric aime bien convoquer son « taureau bleu » imaginaire, sorte d’ange gardien rêvé pour confier ses aspirations de gloire et d’Amour. Lorsqu’il se lance lui même, plus tard dans le récit, dans le conte évoquant ce fameux taureau bleu, le public se voit alors offrir une parenthèse onirique et merveilleuse des plus appréciables.
Entre humour potache (avec une utilisation assez catastrophique d’un synthétiseur Bontempi qui ne lui ouvrira pas les portes de La nouvelle Star) et portraits de personnages assez marginaux (les résidents du foyer Arc-en-Ciel), le récit théâtralisé de Frédéric Naud lorgne donc plutôt du côté de films tels que Little miss sunshine ou Juno, soit une histoire à la fois simple et réaliste saupoudrée d’humour tendre. Si celui-ci est souvent un peu convenu, on retiendra surtout la performance globale de l’artiste, suffisamment bon conteur pour insuffler la poésie de l’ordinaire propre à ces histoires sans grande prétention, mais qui fleurent bon l’authentique.
Jusqu’au samedi 28 février au théâtre du Grand Rond – Toulouse
Saad Lahbil
Une Chronique de Dans la tête du spectateur
Compagnie : La Cuisine — De & par : Frédéric Naud – photo : © Doume – vu le 17/02/15 au théâtre du Grand Rond – Toulouse