Le taiseux magnifique
Cette adaptation relativement lointaine du roman éponyme de James Sallis est incontestablement l’un des coups de cœur de cette rentrée cinématographique. Et il y a bien des raisons pour cela. La moindre n’est pas la virtuosité du réalisateur danois. Cadre, montage, couleurs, direction d’acteurs, tout est d’une précision incroyable et porteur d’un impact émotionnel très fort. Le héros ne porte pas de nom, c’est le driver. Le jour il conduit les voitures pour des cascades hollywoodiennes. C’est un maître en la matière. La nuit, il met tout son talent au service des truands avec une condition non négociable : il ne se salit jamais les mains dans leurs histoires. D’une redoutable efficacité (la scène liminaire est un monument !), le driver parle peu, voire pas du tout. Que cachent ce mutisme et ce regard tendre et fascinant à la fois. En fait un véritable démon incontrôlable et d’une violence sans limite. L’occasion de le vérifier s’appelle Irène (Carey Mulligan). Celle-ci va frapper le cœur du bel indifférent au point de l’engager dans une affaire pas très claire afin de lui porter secours. La fuite vers l’abîme dans laquelle s’engouffre alors le driver, sans espoir de retour, tient de la tragédie antique. Du moins dans la grandeur du sacrifice. La nouvelle coqueluche d’Hollywood, Ryan Gosling, incarne à la perfection ce taiseux magnifique dont un seul geste comme un seul regard à la capacité de foudroyer. En cela il n’est pas sans rappeler le Steve McQueen de Bullitt en 1969. Excusez du peu ! Si vous avez le cœur bien accroché (le film est frappé d’une interdiction aux moins de 12 ans), voici certainement l’une des meilleures toiles possibles en ce moment sur les écrans toulousains.
Robert Pénavayre
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