Après un été bien rempli, souvenons nous de sa vaillance à Orange face aux menaces pluvieuses, notre Orchestre du Capitole a retrouvé sa Halle aux Grains ce soir 10 septembre, pour un concert offert aux fidèles mécènes d’Aida. Le programme annonce en quelque sorte le premier concert d’abonnement en partenariat avec Piano aux Jacobins qui aura lieu le 17 septembre prochain et ne manquera pas de faire l’événement. Ainsi deux pièces maîtresses du répertoire pour vaste orchestre symphonique ont envahi la Halle aux grains dans laquelle un nombreux public était présent. Igor Stravinski est un musicien brillant, qui a voyagé dans le vaste monde et a su s’inspirer de toutes les musiques. Ces deux pièces de ballet, au programme du concert de ce soir appartiennent à sa période dite russe. Mais elles sont surtout pleines d’audaces orchestrales. La suite d’orchestre de L’ Oiseau de feu de 1919 comprend 5 morceaux avec un très vaste final. Tugan Sokhiev a dirigé avec panache cette partition mettant particulièrement en valeur sa théâtralité. La précision de la battue a permis aux musiciens de délivrer une interprétation pleine de force. Puis le Sacre du printemps, pièce virtuose s’il en est, a terrassé le public. Cette partition qui a fait un scandale retentissant à sa création en 1913 est aujourd’hui reconnue à sa juste valeur par tous. Même si la reconstruction de ce rituel païen de l’ancienne Russie est peu plausible il reste grave par la mise à mort d’une jeune femme. Tout ce parfum de scandale est bien loin quand dans la salle ce soir, un dignitaire ecclésiastique vient déguster cette belle interprétation.
Déjà il y a quelques années, les mêmes interprètes avaient embrasé le public avec le Sacre du printemps. L’orchestre est plus mur et le chef a gagné en assurance. La solidité des pupitres permet une interprétation encore plus nette et tranchante, mais sans abandonner à cette souplesse dansante qui est la marque du chef.
Le public a été enthousiasmé et le bis choisi leur a ouvert les portes du ciel au clair de lune. La neuvième variation Enigma d’Edward Elgar, portrait de son ami Nimrot, jouit d’une grande célébrité outre manche. La splendeur de cette musique de l’amitié ne pouvait pas mieux dire le lien de fidélité unissant Aida et son orchestre. A mains nues, semblant sculpter la matière sonore, Tugan Sokhiev a étiré le tempo en habitant chaque note. Le superbe phrasé a enveloppé chacun d’une moelleuse harmonie, en un grand moment de musique très émouvant. Tugan Sokhiev assume sa sensibilité dans des gestes d’une grâce rare. Il obtient ainsi en douceur tout ce qu’il veut de son orchestre. Le public a chaviré aussi et un dernier bis , que tout le monde a reconnu, a clos la soirée sur les accents de l’ouverture de Carmen.
La saison sera fabuleuse tant au concert qu’à l’opéra, n’en doutons pas avec de tels musiciens si engagés.
Prochains concerts: 17 Septembre avec Boris Berezovsky dans le très rare concerto pour piano de Katchaturian et les même pièces de Stravinski. Et Tosca au Capitole à partir du 29 septembre opéra dirigé par Tugan Sokhiev.
Hubert Stoecklin