Nelly Kaplan était l’une des invités de la Tri-trilogie du FIFIGROT 2013, pour les projections de ses films Charles et Lucie, La Fiancée du Pirate et Néa. Elle a conquis le cœur de chacun, par sa simplicité, son accessibilité, sa bonne humeur et son franc-parler ! Sa présidence avait été annoncée lors de la cérémonie de clôture. Un an plus tard, le FIFIGROT tient sa promesse. Voici les réponses qu’elle m’avait données en 2013.
Le film qui vous a causé votre premier choc cinématographique.
C’était J’accuse ! d’Abel Gance, la version de 1938. J’étais très très jeune quand je suis allée avec mes parents voir ce film. Il est extraordinaire, parce que c’est très pacifiste. A la fin, en 38 avant que la guerre ne commence, il a l’idée de faire se lever les morts de la première guerre pour venir dire aux vivants « Ne soyez pas crétins, ne refaites pas une guerre. » Et alors, ces morts qui marchaient vers la ville, j’ai eu la frousse de ma vie ! Et en même temps un très très grand choc émotionnel. Ce film m’a marquée à un point tel que, revenant à la maison, j’ai dit à mes parents, c’est devenu une légende dans la famille, « Quand je serai grande, je ferai des films. » et j’ai tenu parole !
Ce qui est très curieux, c’est que bien des années plus tard, quand j’ai travaillé avec Abel Gance, il m’a demandé de monter un polyvision, c’est-à-dire sur 3 écrans, cette séquence du réveil des morts de la guerre. Il y a donc une destinée quelque part.
Le film qui vous a fait dire « je veux être réalisatrice ».
C’est le même.
Le film que vous offrez le plus.
Je n’offre pas de films parce que j’aimerais que les gens sortent et aillent voir les films comme ils ont été conçus, sur grand écran et pas sur un téléviseur.
Alors quel est le film, s’il passait ou repassait au cinéma, que vous recommanderiez ?
Il y en a beaucoup, heureusement ! Justement, il y a La Comtesse aux pieds nus (NDLR: lors de notre rencontre juste avant ce questionnaire, vous venions d’évoquer l’utilisation de ce film dans La Fiancée du pirate, comme le montre l’image ci-dessous), et un film de Gance qui s’appelle La Roue qui est très étrange et très attachant.
Le film que vous ne vous lassez pas de revoir.
Tex Avery, j’aime beaucoup.
Le film qui vous fait dire « il devrait être obligatoire au Bac ! ».
Rien ne doit être obligatoire, nulle part.
Le film qui vous fait dire « c’est mon histoire, ça ! » (un film dont vous êtes la réalisatrice serait une réponse trop facile).
Je pense qu’il n’a pas encore été fait.
Le film dont vous avez repoussé le visionnage à cause d’un gros préjugé et qui vous fait dire « les préjugés, c’est tout pourri ».
Je n’ai pas de préjugés. Je vais tout voir, quitte à dire « je déteste ça. » Je suis très très cinéphile. Je vais pratiquement au cinéma 2-3 fois par semaine minimum. J’ai la chance d’habiter à Paris là où il y a plein de salles de cinéma,je n’ai donc qu’à descendre.
Le film dont vos amis disent « tu regardes ça, toi ? ».
Aucun. Ils n’osent pas.
Le film que vous n’avez jamais rendu à son propriétaire… d’ailleurs, il peut toujours courir pour le récupérer.
Aucun, parce que si un film m’intéresse, je l’achète. Je ne suis pas chapardeuse comme ça.
Le film qui vous fait voyager et qui vous a décidé à aller dans les lieux décrits.
Aucun.
Le film qui vous enracine.
Ce n’est pas un film, c’est une ville. Je me souviens, je quittais Buenos Aires. Je ne connaissais rien à rien. Je suis arrivée au Havre par bateau, Le Club Bernard, puis j’ai pris un train pour Paris. Au sortir de la gare à Saint-Lazare, ça grouillait de monde. Personne ne s’occupait de moi, j’étais toute seule avec mes deux grosses valises en me disant « Qu’est-ce que je vais faire ? » et en même temps en sortant dans la ville, je me suis hissée là.
Le film qui devrait être remboursé par la sécurité sociale.
Vous me posez une colle. La Fiancée du pirate !
Le film qui ne vous quitte pas.
Mes souvenirs, il n’y a pas d’exclusivité comme ça. Tout se mêle, les souvenirs pendant le tournage, le film fini et puis on se dit après l’avoir regardé « Tiens, j’aurais pu faire ça mieux. » Je ne vous avouerai pas où sont mes regrets.
Le film dont vous pouvez réciter des dialogues par cœur (non… un film dont vous êtes le réalisateur serait une réponse trop facile).
Je pourrai peut-être réciter des poèmes, des textes littéraires. Mais il y a les dialogues classiques qui me font toujours rire, comme dans Drôle de dame, de Carné, avec Michel Simon et Louis Jouvet, « cher cousin ».
15) Le film qui est votre dernier coup de cœur.
Le prochain.
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