Une nouvelle production de « Daphné », de Richard Strauss, est mise en scène par Patrick Kinmonth au Théâtre du Capitole, avec la soprano Claudia Barainsky, les ténors Andreas Schager et Roger Honeywell, la contralto Anna Larsson, sous la direction de Hartmut Haenchen.
C’est un opéra rarement représenté qu’a choisi le Théâtre du Capitole pour célébrer le 150eanniversaire de Richard Strauss, né le 11 juin 1864. Le chef allemand Hartmut Haenchen est l’initiateur de ce choix, il dirigera donc « Daphné » : «La partition éditée ne rend pas entièrement compte des dernières modifications de Richard Strauss. Pour notre exécution, nous avons intégré toutes les corrections de Strauss, de sorte à avoir une pâte sonore bien plus classique et à éviter la “bouillie informe”», annonce-t-il.
Après « Jour de paix » et avant « l’Amour de Danaé », « Daphné » est le deuxième des trois opéras écrits par le compositeur allemand en collaboration avec le librettiste Joseph Gregor. Librement inspiré des « Métamorphoses » d’Ovide, le livret emprunte également aux « Bacchantes » d’Euripide. Créé à Dresde en 1938, sous la direction de Karl Böhm, l’ouvrage a pour héroïne le célèbre personnage de la mythologie grecque. La légende de Daphné est le récit de l’amour impossible d’une nymphe, fille du fleuve Pénée et de la déesse mère Gaïa, avec Apollon, dieu de la musique et des arts. Opéra en un acte, « Daphné » s’achève sur la métamorphose, provoquée par Apollon, de l’héroïne en buisson de laurier-rose.
Cette nouvelle production du Théâtre du Capitole a été confiée au Britannique Patrick Kinmonth – un fidèle collaborateur du metteur en scène Robert Carsen – qui signe également les décors et les costumes. Celui-ci explique : «Bien que le livret de « Daphné » soit des mains conjointes de Stefan Zweig et Joseph Gregor, qu’il ait été ensuite profondément modifié par Strauss lui-même, il possède des qualités dramatiques spectaculaires en même temps qu’une grande élégance musicale. Strauss, clairement, avait l’idée que, dans cet opéra, la musique devrait devenir primordiale par rapport aux paroles pendant que Daphné se transforme en arbre. Je dirais que, par-dessus tout, c’est la sensibilité extraordinaire de Strauss à la relation entre la voix, le texte et la musique qui distingue son travail dans l’opéra.»
Le metteur en scène poursuit : «D’une certaine manière, créer les décors et les costumes aussi bien que la mise en scène autorise un processus créatif très naturel et spontané. Parfois on a une idée très forte qui défie la logique, la raison, particulièrement au début de la réflexion. Par exemple, j’ai commencé en regardant les peintures de Poussin pour le décor. Les bergers d’Arcadie regardant la tombe sur laquelle est écrit “Et in Arcadia Ego” dans ces deux tableaux énigmatiques peints en 1627 et 1637 semblaient sortir de la page du livre que je consultais. Ensuite j’ai vu les tableaux, l’un à Chatsworth House, l’autre au Louvre. À nouveau, ils paraissaient sortir des murs sur lesquels ils étaient accrochés. La mort hante les peintures et l’opéra de la même manière. La vie, notre Dieu, les dieux, la métaphysique, la poésie et la beauté donnent leur ultime résonance grâce à la mort que les bergers regardent. Qu’est-ce qui se trouve au-delà de tout ce que nous savons ? Qu’advient-il de notre âme ? C’est seulement plus tard, lentement, après avoir bien regardé ces peintures, que ma vision pour cette production de Daphné s’est précisée. Et j’ai alors compris que, Strauss composant Daphné quand le monde qu’il connaissait était sur le point de disparaître, quand sa propre réputation était en jeu, sur le point d’être ensevelie, a écrit instinctivement une élégie, un mystère, un vrai cri de guerre pour l’art et la musique», assure Patrick Kinmonth.
La soprano allemande Claudia Barainsky (photo) interprètera le rôle-titre, le ténor autrichien Andreas Schager sera Apollon. Pénée sera chanté par la basse allemande Franz-Josef Selig, le ténor canadien Roger Honeywell sera Leucippe, jeune berger lui aussi amoureux de Daphné. Enfin, Anna Larsson se glissera dans le rôle de Gaïa. Entre deux représentations au Capitole, la fameuse contralto suédoise se produira avec l’Orchestre du Capitole et le chœur basque Orfeón Donostiarra à la Halle aux Grains, où Tugan Sokhiev dirigera la Troisième symphonie de Gustav Mahler(1). Célébration de la nature tout entière, la plus longue des symphonies du compositeur clôturera la saison de la phalange toulousaine.
Jérôme Gac
Du 15 au 29 juin, au Théâtre du Capitole, place du Capitole, Toulouse.
Tél. 05 61 63 13 13.
Introduction au spectacle, avant les représentations du 19 et 25 juin, 19h00.
Conférence :
mercredi 11 juin, 18h00, au Théâtre du Capitole.
Diffusion de la représentation enregistrée le 15 juin:
samedi 28 juin, 19h30, sur France Musique.
(1) samedi 28 juin, 20h00, à la Halle aux Grains, place Dupuy, Toulouse.
Tél. 05 61 63 13 13.
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photo: C. Barainsky © Peter Adamik
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