À Toulouse, Stefano Vizioli met en scène une nouvelle production des « Deux Foscari » au Théâtre du Capitole. L’opéra de Giuseppe Verdi sera dirigé par Gianluigi Gelmetti et interprété par la soprano Tamara Wilson, le baryton Sebastian Catana et le ténor Aquiles Machado.
« Les Deux Foscari » est un opéra de jeunesse de Giuseppe Verdi dont le livret s’inspire d’une pièce de Lord Byron – auteur alors très en vogue. Le Théâtre du Capitole offre l’occasion de redécouvrir cette œuvre à Toulouse dans une nouvelle production confiée au metteur en scène italien Stefano Vizioli. La direction musicale est assurée par son compatriote Gianluigi Gelmetti. Après les succès de « Nabucco » en 1842 puis de « Ernani » deux ans plus tard, le compositeur à peine trentenaire est séduit pour son nouvel ouvrage par la Venise médiévale décrite par Byron. L’action de situe au XVe siècle dans la cité encore régentée par les familles qui en ont fait la renommée. Francesco Foscari est tiraillé entre sa fonction de doge de Venise et son amour paternel. Exilé à la suite d’une condamnation pour meurtre, son fils Jacopo est en effet de retour dans la cité. Proclamant son innocence, il vient y retrouver son épouse Lucrezia. Malgré les sollicitations de cette dernière, il est de nouveau condamné par le Conseil des Dix où siège Loredano, l’ennemi héréditaire des Foscari. Réflexion sur la vanité du pouvoir sur fond de fêtes du carnaval, l’ouvrage met en scène un trio vocal de haute volée : une colorature, un baryton paternel et un ténor aux aigus déchirants.
Tamara Wilson (photo) chantera sa première Lucrezia De Basio, rôle vocalement vertigineux : «Cette œuvre est difficile parce que la plus grande partie de ce que nous chantons concerne nos sentiments. C’est un peu comme une suite de monologues. Le danger est que de tout cela peut résulter un drame très terne. C’est pourquoi la musique doit être de la plus haute qualité afin de capter l’intérêt du public. Il est de notre devoir, en tant que chanteurs, d’être parfaitement “raccords” avec ce que nos personnages ressentent. De cette façon, le public peut se sentir inclus dans le drame et pas simplement spectateur d’une histoire», assure la soprano américaine qui fut une somptueuse Leonora dans « le Trouvère » en 2012, avant de revenir en Lady Billows dans « Albert Herring ». À ses côtés, on entendra les débuts toulousains de Sebastian Catana dans le rôle du doge Francesco Foscari. Le chanteur américain est l’un des plus fabuleux barytons verdiens de sa génération. Pour sa première apparition toulousaine, le ténor vénézuélien Aquiles Machado interprétera Jacopo Foscari, le fils du doge. Après ses débuts français au Capitole dans « Rienzi », en 2012, la basse brésilienne Leonardo Neiva chantera le rôle de Loredano – avant de revenir sur la scène toulousaine en septembre dans une nouvelle production du « Bal masqué ».
L’Orchestre et le chœur du Capitole seront dirigés par Gianluigi Gelmetti, lequel était déjà dans la fosse du Capitole pour un « Barbier de Séville » mis en scène par Stefano Vizioli. Spécialiste du répertoire italien, en particulier des ouvrages verdiens, ce dernier signe la mise en scène de cette nouvelle production du Théâtre du Capitole. Stefano Vizioli raconte : «C’est la première fois que l’on m’offre « les Deux Foscari », une très belle partition avec de nombreux passages dignes du plus grand Verdi. Bien sûr, la logique de marché veut que l’on affiche plutôt « la Traviata » ou « Rigoletto », car avec ces titres vous êtes sûr de jouer à guichet fermé. Mais je suis persuadé que le devoir, la mission même d’un théâtre est de proposer à son public des titres moins connus car le rôle d’une institution culturelle n’est pas seulement de divertir mais aussi d’enseigner et de faire connaître», confie le metteur en scène dans un entretien réalisé par le Théâtre du Capitole.
Stefano Vizioli poursuit : «Dès le début, « les Deux Foscari » est un opéra de “losers”. Il n’y a pas ici d’évolution dramaturgique comme par exemple dans « Don Carlo » dans lequel les dynamiques dramatiques sont parfaitement conçues pour rendre les personnages psychologiquement mobiles et en constante évolution. Déjà, il faut dire, le texte de Byron est un peu lourd et imprécis en matière de profil théâtral. Verdi lui-même, plus tard, a qualifié cette œuvre de véritable “enterrement”. Moi, je veux défendre le pathos intime de tous ces personnages, leur relation ambiguë entre le devoir et la nature, entre les sentiments, les émotions et leur fragilité face à la machine froide et implacable du pouvoir. Je pense qu’il est très important de souligner la noirceur de la Venise de cette époque, où le pouvoir était entre les mains d’un petit groupe de nobles qui jouaient avec la vie et la mort de leurs victimes, une Venise peu rassurante, ni solaire, ni positive, mais plutôt obscure, énigmatique et féroce, une Venise qui devient un personnage négatif comme on la rencontre dans d’autres ouvrages comme « la Gioconda » ou « Caterina Cornaro »».
Le metteur en scène prévient : «“Notre” Venise sera visible en costumes stylisés mais fidèles à l’époque des faits, puisque ceux-ci sont historiques. La scénographie sera centrée symboliquement sur une sculpture du visage de Francesco Foscari, un visage de marbre à l’image du cœur de ce doge, un visage qui devient prison, salle du trône et qui, à la fin, sera une ruine qui s’enfoncera dans une eau pourrie et boueuse, dans une vase qui est non seulement physiologique mais aussi existentielle, afin de souligner l’effondrement politique et familial du protagoniste. Le Conseil des Dix se déplacera à l’intérieur de cette immense tête sculptée comme des vers dans une pomme pourrie.»
Stefano Vizioli précise : «Ici, il me semble très intéressant de souligner le rapport beau-père/belle-fille, assez rare chez ce compositeur, car c’est finalement entre Lucrezia et Francesco que se joue la partie émotionnelle la plus importante de cette partition. Lucrezia n’a pas peur de défier son beau-père, elle possède la fierté d’une Contarini, elle est fille de doge. Elle ne craint pas d’exposer ses propres enfants dans la grande scène du Jugement du deuxième acte, espérant que les petits enfants pourront adoucir l’apparente dureté de leur grand-père. N’oublions pas combien cette scène a fait l’objet d’œuvres picturales, signées Delacroix et Hayez, d’une grande force dramatique, visuelle et émotionnelle», termine le metteur en scène.
Jérôme Gac
Du 16 au 25 mai, au Théâtre du Capitole, place du Capitole, Toulouse.
Tél. 05 61 63 13 13.
Introduction au spectacle, avant la représentation, 19h00.
Conférence : «Verdi et les années de galère», par Michel Lehmann (musicologue), jeudi 15 mai, 18h00, au Théâtre du Capitole (entrée libre).
«Un thé à l’opéra» : Rencontre animée par Michel Lehmann, samedi 17 mai, 16h30, au Théâtre du Capitole (entrée libre).
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