« The Grand Budapest Hotel », un film de Wes Anderson
Cher lecteur, attachez votre ceinture car voici une partie de la distribution du dernier opus de Wes Anderson, juste pour donner le ton : Ralph Fiennes, Tony Revolori (celui-ci vous le connaissez pas…encore !), Mathieu Amalric, Adrien Brody, Willem Dafoe, Jeff Goldblum, Harvey Keitel, Jude Law, Bill Murray, Edward Norton, Léa Seydoux, Tilda Swinton et Owen Wilson. Excusez du peu ! Et tout çà, pourquoi ? Pour tout simplement le film le plus ambitieux et le plus accompli de ce réalisateur, un cinéaste qui, déjà, nous a fait rêver avec A bord du Darjeeling Limited, Fantastic Mr Fox et, dernièrement, Moonrise Kingdom.
Cette fois, il nous amène dans une république improbable en plein cœur de l’Europe des années 30 du siècle dernier. Construit sur d’habiles retours en arrière, son film va nous raconter l’histoire d’un palace dans lequel régnait un certain M. Gustave (Ralph Fiennes), flanqué de son lobby boy : Zero (Tony Revolori). M. Gustave a un charme fou auquel peu de client(e)s peuvent résister. Peu importe l’âge, le « devoir » de M. Gustave est de les satisfaire. Certaines iront jusqu’à en faire leur héritier.
Il en est ainsi de Mme D. qui couche sur son testament le leg d’un fabuleux tableau de la Renaissance au profit de ce maître d’hôtel hors normes. Les héritiers pensent qu’il s’agit d’un détournement d’héritage et vont traquer M. Gustave qui, conscient de ses droits, n’a rien trouvé de mieux que de s’emparer du tableau en question. Sa fuite vers des contrées plus hospitalières va se trouver entravée par des évènements politiques inquiétants qui ne disent pas ici leur nom mais que l’on peut aisément reconnaître comme des parents très proches de la montée du fascisme.
Et le secret, pour ne pas dire le génie, de ce réalisateur, est de faire coïncider les aventures rocambolesques et, à vrai dire, hilarantes, du fameux M. Gustave, avec la disparition de tout un art de vivre et l’arrivée au pouvoir d’extrémistes. Tout cela avec un souci d’élégance et de refus absolu de la moindre trivialité qui font de tous les films de Wes Anderson des moments d’une saveur peut-être surannée, mais totalement jubilatoires.
Tant du point de vue esthétisant que scénaristique, ce film est un monument qu’il est impossible de décrire sur papier. Superbement montée, subtilement soulignée par une BO signée Alexandre Desplat qui fait la part belle aux balalaïkas, cimbalum moldave et autres instruments d’Europe Centrale, mise en scène avec un souci non dissimulé du comique de situation, cette réalisation au cordeau, divinement interprétée, est assurément l’une des pépites de cette rentrée cinématographique et peut-être bien déjà de l’année 2014.
Robert Pénavayre