Saison 2013-2014 au TNT
Tout auréolés de leur reconduction à la barre du vaisseau amiral du théâtre à Toulouse que représente le TNT, Agathe Melinand et Laurent Pelly ont présenté la nouvelle saison du TNT devant une immense affluence qui a nécessité d’ouvrir en plus le petit théâtre et le Forum pour contenir tout le public. Ce qui montre l’adéquation entre un public sans doute majoritairement enseignant, et une programmation qui les rassure, sans les heurter. Il faut ne pas omettre Jean-Laurent Paolini qui a su « épicer » le choix des programmes par bien des découvertes.
Agathe Melinand et Laurent Pelly
Présenter une saison riche de 35 spectacles ne saurait être une simple compilation, aussi il faut en dégager les lignes de force. Ce que nos deux duettistes se sont employés en faire sur scène en reconduisant le type de présentation de l’année dernière, avec ses éclaircissements et aussi ses approximations. Mais l’exercice est difficile.
Cette saison a voulu se décliner en trois « regards » : Politiques, En musiques, et Incroyables et merveilleuses.
Ce cadre est souvent très élastique et par exemple Marivaux et Aurélien Bory sont embrigadés dans le registre politique, Britannicus en musiques, et Yiajali, très politique, se retrouve dans Incroyables et merveilleuses.
Mais nous savons qu’au théâtre tout est convention, et vouloir trouver une cohérence à tout prix aux spectacles le plus souvent accueillis lors de tournées, relève d’une acrobatie que ne reniera pas James Thiérrée ou Aurélien Bory.
Peu importe en fait le compartiment discutable, car des grands axes se dessinent.
Comme la plupart des directeurs de théâtre, Agathe Melinand et Laurent Pelly fonctionnent en bande et en réseau, et on retrouve les amis fidèles : l’elfe musical Jean-François Zygel, Aurélien Bory, Nathalie Dessay ce qui nous rappelle que Laurent Pelly est avant tout un metteur en scène d’opéra encore plus qu’un metteur en scène de théâtre, le fascinant Pippo Delbono, Jacques Gamblin qui va s’encanailler avec le jazz, Jean-Louis Martinelli, l’enfant du terroir du TNT Simon Abakan, James Thiérrée et d’autres.
On retrouve les tropismes d’Agathe Melinand pour l’univers américain et Poe succède à Tennessee Williams, ce qui nous vaut un très beau poème de Baudelaire, l’Étranger en première page du programme.
On connaît le tropisme de Laurent Pelly pour Shakespeare et aussi son dévouement pour l’éveil au théâtre des lycéens. Le songe d’une nuit d’été devrait mieux lui convenir que les sombres drames, et son esprit ludique proche de Puck devrait y faire merveille. L’opéra Manon ajouté au programme permet de boucler les quatre créations obligatoires pour un CDN. Comme c’est une des grandes réussites de Laurent Pelly, et si cela assure une transversalité des publics, on ne va pas s’en plaindre.
Et puis comme le disait Gustave Flaubert, « L’opéra c’est comme l’amour. On s’y ennuie souvent mais on y revient toujours. »
Bien sûr il ya des moments forts, très forts mêmes, dans le menu proposé, et on va juste les mentionner en passant, pour s’attarder plus loin sur les chemins de traverse plus à risque.
La cérémonie fantastique de Jean-François, qui est un moment de création instantanée sur des films muets, est un moment de grâce à ne point rater. De même que les danses d’Israel Galvan sur le « réel », (Lo Real).
La magie poétique de James Thiérrée, Tabac Rouge, demeure un enchantement. Puis certes Martinelli dans une vision minimaliste de Britannicus de Racine, Jacques Gamblin avec le sextet de Laurent de Wilde déclarant sa flamme au jazz, Pippo Delbono plus joyeux avec sa réflexion sur les mensonges, (L’orchidée), la reprise de la pièce montée par Ariane Mnouchkine, Norodom Sihanouk, mais transportée au Cambodge, d’autres encore, et tout cela trouvera vite son public.
D’autres spectacles méritent d’être mis en lumière, car plus risqués. Ainsi cette trilogie de Tchekhov, La Mouette, Oncle Vania, Les trois Sœurs abandonnées entre les mains déstructurantes de Christian Benedetti qui renversent tout le rituel habituel de la petite musique mélancolique de Tchekhov.
La nouvelle mise en scène de Sébastien Bournac, La mélancolie des Barbares, de l’auteur Koffi Kwahulé « nomme l’innommable » et nous fait réfléchir sur la condition d’étranger.
Herr Faust par la compagnie Ex-Abrupto revisite à contre-courant ce mythe éternel.
La chorégraphe Gisèle Vienne danse la magie noire dans The Pyre, le bûcher, et convoque tous les fantômes.
La compagnie hollandaise Hotel Modern, avec une simple boîte à outils, restitue l’horreur de la Grande Guerre. Cette représentation a fait le tour du monde, tant est forte sa force d’évocation à partir de quelques objets.
Comment ne pas se précipiter dans une pièce ou joue Yann Colette. Et les deux pièces d’Odon von Horvath, réunies dans « La double mort de l’horloger » en seront l’occasion. Les marionnettes à hauteur d’homme de la Handspring Puppet Company parlent de notre passage terrestre par un conte avec un danseur et un poète. Les images vues promettent un spectacle fascinant.
Simon Abkarian, autre exilé par la violence de l’histoire, parle de l’exil des Grecs de l’Asie Mineure et de leur plainte sauvage dans le rebetiko, musique populaire grecque apparue dans les années 1920.
« Et j’en dirais et j’en dirais », pour paraphraser Aragon, mais puissent ces quelques notes vous donner envie de fréquenter les chemins de traverse au moins autant que les autoroutes proposées.
Gil Pressnitzer
Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées
Brochure Saison 2013/2014
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