Stephan Eicher sort son nouvel album, « Poussière d’or », vendredi 28 novembre, et c’est une nouvelle réussite, lumineuse. Le barde suisse y évoque, dans un registre épuré, les élans du cœur, les noirceurs de l’âme, les désirs chimériques, les « blessures mal refermées » sur des textes du Philippe Djian, plus inspiré que jamais. Disons-le tout net : c’est l’un des plus beaux disques de l’année.

Stephan Eicher – Photo : Michaël Jungblut
Stephan Eicher, 65 ans, est l’un des rares de sa génération à continuer de tracer son chemin comme il l’entend, avec obstination, créativité toujours renouvelée et goût pour l’inattendu. Le mois dernier, il était deux soirs au théâtre de la Cité, à Toulouse, pour un « Seul en scène » qui a réjoui ceux qui admirent ses chansons et apprécient son humour. Les années précédentes, on l’avait vu en version pop à la Halle aux Grains, en solo électro au Bikini et dans bien d’autres formules, toujours très originales, bardées d’humanité et profondément émouvantes.
Avec ses albums, Stephan Eicher réussit la même prouesse : être fidèle à son style, introspectif et mélancolique (l’écriture de Philippe Djian, complice de longue date, y est bien sûr pour beaucoup), tout en variant les angles musicalement. Vous l’aimiez rock ? Il revient avec un album, « Poussière d’or », plutôt folk, mettant en avant la guitare acoustique même si les synthés et les violons s’invitent discrètement à la fête. La chanson-titre, qui inaugure le disque, est une ballade un peu country sur laquelle on est heureux de retrouver la voix si particulière de Stephan Eicher, son accent, le sentiment de chaleur qu’elle dégage, magnifié par une prise de son intimiste. Il suffit de quelques mots de Philippe Djian, de cette « poussière d’or dans le ciel bleu » qui « tombe en pluie devant nos yeux », de « l’espoir dans le matin bleu » et nous voilà embarqués dans un monde de sensations à fleur de peau, qui nous étreint et nous bouleverse. Sur le désespoir amoureux et plus largement le repli sur soi, le chanteur ouvrage de superbes arrangements de guitare, comme un îlot de beauté face à celui « qui restera un genou dans la poussière à attendre ce qui ne viendra pas ». Et de confier plus loin : « Je plains celle qui considère/ Que tous les hommes sont du même bois/Je plains celle qui me jette des pierres/Je plains celle qui n’en démord pas ».
« Ce mal qu’on peut se faire »
Ce « mal qu’on peut se faire », on le retrouve dans « Sauvage continent ». Ici, l’inspiration pop, très cool, se noie dans un océan de douleur. Avec « On dit », autre sommet de l’album, la voix fragile de Stephan Eicher, au bord de la rupture, raconte les désillusions d’une vie durant laquelle, face à la peine qui s’efface si difficilement, « On se nourrit de chimères/On fait le dos rond ».
Pour autant, « Poussière d’or » n’a rien d’un album dépressif. Epaulé par un chœur masculin, notre mousquetaire suisse lance un « Au secours » un brin ironique : « Sauvez nos âmes », dit-il, « Prions mes amis pour l’amour perdu de nos femmes ». D’autres splendeurs ? Choix difficile tant il y en a parmi les 12 titres. Citons « Cheveux blancs », où un quatuor à cordes souligne délicatement une « vie (qui) se traite avec le diable/Comme des blessures mal refermées ». Et puis, dans un registre bucolique, « Au-dessus des blés », là où « le champ des tournesols vient de frissonner » ou « Entre creux et bosses » quand « l’horizon se plisse comme du linge mouillé ». Admirable plume de Philippe Djian…
Une place tout près du cœur
Un tube pour conclure, à-même de rejoindre « Combien de temps », « Déjeuner en paix » ou « Tu ne me dois rien » au panthéon des classique de Stephan Eicher ? On choisit « Toute la place », où sur fond de guitare, mandoline, accordéon et chœurs délicats le chanteur fait une promesse qui lui ressemble bien : « Je mettrai tout dans des caisses/Je ne garderai rien pour moi (…) Tout s’ra facile, tout s’ra clair/Tellement facile – à cause de toi/Je te ferai toute la place. » Comme celle qu’on accorde depuis tant d’années, tout près du cœur, à Stephan Eicher…
Album « Poussière d’or » de Stephan Eicher (Barclay/Universal).


