CRITIQUE. CONCERT. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 30 octobre 2025. J. BRAHMS : Cto. Piano n°1. R. VAUGNAN WILLIAMS : Antartica symphony. Adam Laloum, piano. Orchestre du Capitole. Frank Beermann.
Le Brahms délicat de Laloum et Beermann enchante le public.
Ce concert est né sous des auspices hostiles. Tarmo Peltokoski souffrant a annulé sa présence toulousaine pour ce concert, les deux suivants la semaine prochaine et la direction de Don Juan au Capitole. Puis ce fût le pianiste Anton Mejias qui a dû rejoindre sa famille pour un deuil. La chance a souri aux organisateurs lorsqu’Adam Laloum a répondu présent pour le premier concerto de Brahms qu’il aime tant. Frank Beermann de son côté ayant accepté de diriger le concert sans changer le programme taillé sur mesure pour Tarmo Peltokoski.
Adam Laloum joue Brahms divinement. Ses enregistrements sont plébiscités. Sauf celui des concertos de Brahms en raison d’un chef pas à sa hauteur. Ce soir l’accord avec l’orchestre et le chef est idéal. Dès le début Frank Beermann adopte un tempo mesuré, son orchestre gronde et rugit, la puissance plus impressionnante que la force. Ce tempo plutôt lent permet de vivre l’extraordinaire construction orchestrale de l’introduction du concerto. Adam Laloum écoute et déguste cette page orchestrale si splendide. L’entrée du pianiste est toute en élégance et délicatesse. Petit à petit le jeu de Laloum se fait plus puissant et l’équilibre trouvé est une véritable splendeur de poésie, d’écoute et de partage. Les nuances sont particulièrement délicates tant du côté du pianiste que du chef. Le premier mouvement est très contrasté et permet une écoute merveilleuse de toutes les richesses de la partition.
C’est dans le deuxième mouvement qu’un miracle se produit. Le tempo retenu, les nuances pianissimo exquises, les couleurs splendides de l’orchestre, le piano irisé de Laloum, tout se répond en un dialogue de pure poésie. Le temps est comme suspendu, les nuances piano sont à la limite du silence. Le troisième mouvement va exulter et les couleurs vont se magnifier. Le piano de Laloum trouve de nouvelle nuances et des couleurs infinies, l’orchestre participe activement à cette fête d’un Brahms heureux et joueur. Frank Beermann est à l’écoute de son soliste dont il accueille toutes les propositions originales avec complicité. La beauté de cette interprétation scelle une entente musicale au sommet. Le public et l’orchestre applaudissent à tout rompre ce magnifique moment musical de pure grâce. Adam Laloum offre en bis un extrait de Schubert, autre compositeur dont il est le chantre.

Pour la deuxième partie la symphonie Antartica de Ralph Vaughan Williams va être une découverte pour une grande partie du public. L’effectif exigé est considérable avec deux harpes, de nombreuses percussions, une machine à vent et un chœur de femmes. Le chœur de femme de Lettonie « Latvija » entoure une soliste soprano pour une partie vocale sans parole. Dès les premières notes une impression d’ouverture et de largeur du son se produit. C’est grand et fort. Frank Beermann habitué à diriger (et comment) les vastes partitions de Wagner et Richard Strauss est tout à son aise ici. Les effets orchestraux sont brillamment offerts au public. La machine à vent est très crédible, mais en fait il ne se passe pas grand-chose une fois que la surprise des effets est passée. Le chœur a une action de mystère très réussie. Les percussions sont terribles, l’orchestre est toute force et puissance. Le succès est retentissant car la virtuosité orchestrale est tout à fait remarquable et la direction splendide de Franck Beermann galvanise ses troupes.

Toutefois après la splendeur d’écriture et de construction de la partition de Brahms celle de Vaughan Williams a pali un peu. Les aléas nombreux n’ont pas entravé le succès de ce concert devant une Halle-aux-Grains bien pleine. Le public toulousain est bien là, fidèle et attentif.
Hubert Stoecklin
