Dans le cadre du concours photographique « Et plus si Infinité », organisé par le Muséum de Toulouse, Sam John a remporté le premier prix avec une image saisissante du ciel nocturne. Une photo à la fois intime et cosmique, qui interroge notre place dans l’univers. Portrait d’un photographe autodidacte dont le regard capte l’invisible, des crêtes portugaises aux confins de l’imaginaire.

Sous la voie des étoiles de la Serra Da Estrella © Sam John
Un concours ouvert sur l’univers
Chaque année, le Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse convie les regards curieux et les objectifs sensibles à un concours photo thématique, à la croisée de l’art, des sciences et de l’éveil environnemental. En juin 2024, une nouvelle édition a vu le jour sous un titre d’envergure indéfinissable : Et plus si Infinité.
Pour participer, il fallait proposer une ou plusieurs photographies explorant la notion d’infini, qu’il s’agisse de l’espace intersidéral ou de l’infiniment petit. Un appel à voir large, à viser loin, à scruter au-delà du visible. L’inscription se faisait entièrement en ligne, via un formulaire dédié. Ouvert aux amateurs, professionnels et plus largement aux passionnés, ce concours se voulait accessible et libre dans son interprétation.
Un pari réussi, comme en témoigne la diversité des œuvres soumises. Mais parmi elles, un cliché s’est détaché. Celui de Sam John, photographe toulousain autodidacte, qui a proposé une vision presque métaphysique de notre rapport au ciel, capturée au sommet de la Serra da Estrela, au Portugal.
Une quête personnelle du vertige
Pour Sam John, 35 ans, photographe de paysages et de nature, la notion d’infini n’est pas un concept abstrait. C’est un fil rouge qui traverse son travail depuis des années. « L’infini m’a tout de suite parlé », confie-t-il. « En tant que photographe de nature, je le ressens souvent : dans l’immensité d’une vallée, dans le silence d’un sommet, dans la profondeur d’un ciel étoilé. C’est presque un de mes sujets favoris ».
Cette sensibilité aux vastes horizons, il l’a développée au fil du temps, entre garrigue audoise et crêtes pyrénéennes. Originaire des Corbières, Sam John a commencé la photographie adolescent, avec un appareil numérique payé grâce à ses jobs d’été en restauration. Ses premiers sujets ? Les insectes, les fleurs, les détails fragiles du vivant.
Photographier la nature, un sujet d’évidence
L’arrivée à Toulouse, en 2010, change la donne. La proximité des Pyrénées devient le déclic. « Avec ma compagne, on s’est mis à randonner régulièrement. Là-haut, dans le monde sauvage, j’ai compris que c’était cela que je voulais capter, des espaces, des lumières, des formes naturelles qui nous dépassent. »
L’une des particularités de Sam John, c’est qu’il apprend par la pratique, en affinant ses réglages, en explorant les possibilités de la retouche après avoir photographié ce qu’il voulait, et surtout en développant un regard. Un regard à la fois contemplatif et engagé. Car pour lui, photographier les paysages, c’est aussi militer pour leur préservation. « La photographie de ces types d’endroits permettent de partager et de souligner la beauté du monde sauvage aux yeux des observateurs, pour rappeler à quel point il est indispensable de préserver la planète. Car sans tous ces paysages, refuges et habitats pour les espèces vivantes, nous ne serions pas. », confie le photographe.

Sous la voie des étoiles de la Serra Da Estrella © Sam John
Une nuit au sommet, le regard tourné vers l’infini
C’est au Portugal, à près de 2 000 mètres d’altitude, que le cliché primé au concours a été pris. La Serra da Estrela, littéralement « Montagne des Étoiles », porte bien son nom. Là, loin des lumières urbaines, le ciel s’ouvre, brut et limpide, sur un univers que nos yeux n’ont pas l’habitude de déchiffrer.
Dans l’image, on aperçoit une silhouette minuscule au bas du cadre, celle de Sam John lui-même, lampe frontale sur la tête, le faisceau de lumière pointé vers la Voie Lactée qui traverse la scène comme une cicatrice lumineuse. La composition est à la fois simple et magistrale. Une ligne de lumière humaine, tendue non vers l’horizon, mais vers le cosmos. « Je voulais créer un lien visuel entre moi et la galaxie », explique Sam John. « Ce faisceau, c’est une manière de montrer qu’on fait partie de tout ça, même si on se sent tout petit. » Une idée qui dépasse la technique, mais que celle-ci rend possible.
L’importance du montage dans la photo
L’image a été réalisée grâce à une pose longue de six secondes, trépied calé sur la roche, appareil déclenché à distance via son smartphone. L’objectif, ouvert à f/2.8, a capté une densité d’étoiles que l’œil humain ne perçoit pas à l’état brut. « Ce que l’on voit sur la photo, c’est ce que notre œil ne peut pas voir. L’appareil emmagasine la lumière, comme une mémoire rallongée. Ce que nous percevons de la Voie Lactée est en réalité très partiel. », explique le photographe. Le travail de post-production a aussi joué un rôle clé. À partir du fichier RAW, Sam John a utilisé le logiciel Lightroom pour faire ressortir les contrastes, renforcer les teintes bleutées de la galaxie, et souligner le faisceau lumineux. « Le fichier brut, c’est un peu comme une pellicule. Le développement numérique, c’est ce qui me permet d’écrire la lumière comme je l’ai ressentie sur le moment. », continue-t-il.
Récompense céleste et parcours terrestre
Le premier prix reçu dans le cadre du concours du Muséum est une reconnaissance importante pour le photographe, après des années de pratique dans l’ombre. « C’est un honneur », avoue-t-il. « Ça me donne confiance. C’est une étape dans mon parcours, une invitation à continuer. » Ce n’est pas sa première participation à ce concours. En 2019, Sam John avait soumis une photo d’une jeune fille de la communauté nomade, en Mongolie, mêlant modernité et tradition. Non retenue à l’époque, cette expérience n’a fait que renforcer sa motivation.
Pour cette édition, il ne connaît pas précisément les modalités du jury ni les critères de sélection. Mais les retours, eux, sont bien présents. Il a notamment rencontré Marianne Thazet, photographe professionnelle et animatrice d’un atelier argentique au Centre Culturel de Saint-Cyprien, auquel il a pu participer grâce à son prix. Une rencontre marquante, dans un parcours jalonné d’apprentissage autonome, et de nuits passées sous les étoiles aventurons nous à prétendre. Contrairement à l’infinie, dont il est impossible de prétendre tenir en une photo.
Photographier l’infini, ou capter notre propre limite
Mais qu’est-ce qu’une photo réussie, surtout sur un thème aussi vaste, aussi abstrait que celui de l’infini ? Sam John n’hésite pas à répondre avec philosophie. « Une image qui traite vraiment de l’infini devrait éveiller un trouble, une interrogation. Elle doit toucher à quelque chose de l’ordre de la limite, que ce soit la limite de notre compréhension, de notre regard, de notre place dans l’univers. » Selon lui, l’infini ne se résume pas à une immensité mathématique. Il est à la fois temporel et spatial, il est ce qui échappe, ce qui se dilue, ce qui commence où nous nous arrêtons. « Dans ma photo, le personnage, moi, incarne le temps, comme un instant suspendu, une conscience en observation. Tandis que la galaxie, elle, représente l’espace. Ce dialogue silencieux entre les deux, c’est peut-être ça, l’infini. », s’interroge t-il, tant il est difficile de concevoir une réponse.
Et maintenant ? Continuer à marcher la tête levée
Depuis cette récompense, Sam John continue à arpenter les sentiers, l’œil rivé au viseur, les pensées dans les nuages, pour photographier l’environnement. Le monde sauvage, la nature, reste son terrain de jeu. D’autres sommets l’attendent, d’autres nuits aussi. Et d’autres images peut-être, où l’infini surgira encore, dans un détail ou une immensité.
Informations pratiques :
Instagram > https://www.instagram.com/withsamjohn/