Dans un bled paumé du Nouveau-Mexique, un shérif débonnaire perd les pédales. Tel est le point de départ du film américain « Eddington », d’Ari Aster, présenté en Compétition à Cannes. Problème : ce portrait voulu acerbe de l’Amérique profonde est plus un pétard mouillé qu’une bombe iconoclaste.
Connaissez-vous Eddington, bourgade du Nouveau-Mexique, qui fut ville minière avant de sombrer dans un état quasi végétatif ? Le panneau d’entrée annonce 2350 habitants, un chiffre qu’il faudra revoir à la baisse à la fin de l’histoire – comme dans Lucky Luke. Le cafetier du coin, également maire (Pedro Pascal, banal) pense faire sortir le bled de sa léthargie en autorisant l’implantation d’un important centre de données numériques. Le shérif (Joachin Phoenix, méconnaissable) ne partage pas son optimisme et va se lancer dans une campagne pour se faire élire premier magistrat de la ville. L’homme est du genre éteint : il trimballe sa carcasse dans son 4X4, assurant un service minimum de maintien de l’ordre aux côtés de deux policiers. Il est vrai qu’il ne se passe jamais rien à Eddington… Rien jusqu’au moment où la femme du shérif le quitte, ce qui le met dans une rage folle…

Joachin Phoenix et Pedro Pascal. Photo A24
Le nouveau film d’Ari Aster, révélé en 2019 par « Midsommar », est vraiment bancal. Durant la première heure, c’est morne plaine, à l’exception de quelques tensions liées au port du masque (nous sommes aux débuts du Covid) et à des ébauches de mini-manifestations inspirées, au petit pied, de Black Lives Matter. L’ironie, voire le sarcasme que goûte visiblement le metteur en scène – à propos des réseaux sociaux, du complotisme, de la mauvaise conscience des jeunes blancs… – provoquent quelques rires dans la salle. Et puis on se retrouve brutalement chez Oliver Stone ou les frères Coen avec un déferlement de violence, de flingages en série, de têtes explosées, le tout, bien sûr pour dénoncer la prolifération des armes aux Etats-Unis. On peut prendre un plaisir vicieux à un tel spectacle sanglant ou bien se demander : mais à quoi cela peut-il servir ?
« Eddington » de Ari Aster, en Compétition à Cannes, le 16 juillet dans les salles.