Attendu à Cannes pour des raisons autres que purement cinématographiques, « Deux procureurs », de l’Ukrainien Sergei Loznitsa, a déçu. S’il dénonce à juste titre les horreurs du régime stalinien, il choisit une forme d’une austérité qui provoque l’ennui.
Sergei Loznitsa, 60 ans, a réalisé autant de films de fiction, comme « Une femme douce », présenté au Festival de Cannes en 2017, que de documentaires, dont un ayant fait sensation l’année suivante sur la Croisette: « Donbass ». Avec « Deux procureurs », l’Ukrainien (né en Biélorussie) s’attaque à un sujet immense : les purges staliniennes, qui firent des millions de mort en Union soviétique. Son film se déroule en 1937, à l’apogée de cette politique de terreur, où un simple mot soi-disant « contre-révolutionnaire » pouvait vous conduire au goulag pendant des années (un certain Poutine a repris l’idée ces dernières années). Un jeune procureur demande à rencontrer un de ses aînés dans la profession, incarcéré parce qu’il refusait de faire emprisonner des innocents. L’homme âgé a été tabassé par ses geôliers. Il croupit dans une cellule infâme. Ses blessures ne lui donnent aucune chance de survie. Mais l’homme s’accroche, sûr de son bon droit. Son collègue va plaider sa cause auprès du procureur général, pensant lui aussi que les exactions du NKVD (la police politique) seront punies par la haute hiérarchie judiciaire. On l’imagine, il se trompe lourdement…

Un jeune magistrat dans un monde kafkaïen. Photo Andrejs Strokins
Sergei Loznitsa filme une descente aux enfers, dans un monde kafkaïen qui se teinte d’un gris uniforme ou d’un vert kaki. Son personnage de naïf au cœur tendre se heurte à des murs de silence et de compromission. En prison, il franchit des portes et des grilles, dans un bruit de clés qui semble ne jamais vouloir s’arrêter. Dans les administrations, il monte des escaliers et va de bureaux en bureaux au milieu d’individus au visage de papier mâché et au corps rigidifié. Le problème est que cette suite de scènes statiques provoque assez vite l’ennui. On a l’avantage sur le « héros » de deviner très vite ce qui va lui arriver. Et l’on peine à se passionner pour son combat perdu d’avance. On recommandera plutôt de revoir « Goulag, une histoire soviétique », un documentaire extraordinaire, qui couvre une période plus large (de 1917 à 1957) et dit tout de la tragédie humaine que furent les purges staliniennes (disponible sur arte.tv).
« Deux procureurs », de Sergei Loznitsa, en salles le 24 septembre.