Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
La Chambre du fils de Nanni Moretti
Alors que le cinéma italien connaissait à la fin des années 1970 et durant les années 1980 une profonde crise, tant économique qu’artistique, due en particulier à l’irruption des télévisions privées, l’apparition de Nanni Moretti (réalisateur, scénariste et comédien), découvert notamment par La messe est finie en 1985 et Palombella rossa en 1989, fut l’une des rares bonnes nouvelles cinématographiques venues d’Italie. La consécration vint pour lui en 2001 avec La Chambre du fils qui obtint la Palme d’or à Cannes et qui reste sans nul doute son plus beau film.
On y découvre la vie des Sermonti, une famille de la bourgeoisie intellectuelle vivant à Ancone. Giovanni (Nanni Moretti) est psychanalyste, son épouse Paola (Laura Morante) travaille dans l’édition. Ils sont les parents de deux grands adolescents, Andrea et Irene, et connaissent un bonheur tranquille. Jusqu’au jour où cette vie heureuse et ordinaire est fracassée par la mort d’Andrea lors d’un accident de plongée.
Mélancolie souveraine
Il ne se passe rien ou pas grand-chose dans la première demi-heure de La Chambre du fils, sinon la description du quotidien presque banal de cette famille. Des scènes avec les patients de Giovanni lorgnent vers la comédie, d’autres frôlent le drame comme un avertissement. Puis surgit la dévastation à travers l’une des pires tragédies qui soit, la perte d’un enfant dans ses jeunes années. Un mois après la disparition d’Andrea, sa mère découvre une lettre écrite au garçon par une jeune fille, Arianna, qui semble avoir été un bref amour de vacances. Un soir, elle se présente chez les Sermonti.
Moretti filme le deuil, le chagrin, la culpabilité, les remords des survivants avec une simplicité et une épure qui décuplent l’émotion. Nul besoin de forcer sur le mélodrame ou le pathos. Des gestes retenus, des silences, des mots que l’on ne peut prononcer suffisent à exprimer toute la peine du monde. Œuvre douloureuse et lumineuse, pleine de douceur, La Chambre du fils baigne dans une mélancolie souveraine, à l’image de la magnifique chanson de Brian Eno, By This River, que l’on entend à deux reprises. Au gré d’un final solaire, Moretti nous confie ce constat à la fois insupportable et indispensable : la vie continue.
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