La Chambre d’à côté, un film de Pedro Almodovar
Les films de Pedro Almodovar, par définition, se doivent d’être privilégiés dans nos choix de cinéphiles. D’autant que le dernier en date est certainement l’un de ses plus formellement et émotionnellement accomplis.
Porté par deux comédiennes exceptionnelles, nous allons y revenir, il nous met en présence de deux vieilles amies qui, après pas mal d’années de séparation involontaire, se retrouvent de manière fortuite, bien installées dans leur soixantaine. Ingrid est devenue romancière à succès. Martha a fait carrière dans le reportage de guerre. Leurs retrouvailles va se faire sous le signe d’une fin annoncée. Martha est atteinte d’un cancer incurable. Elle vit ses dernières semaines et va demander aide et assistance à son amie de toujours. Martha s’est procurée sur le dark web une pilule létale. Elle loue une splendide maison au cœur de la forêt, pas très loin de New York et invite Ingrid à venir vivre avec elle ses ultimes moments. Le code est le suivant. Si, un matin, la porte de sa chambre est fermée, ce sera fini. C’est le moment bien sûr d’égrener quelques souvenirs, évoquant en riant un amant qu’elles ont eu en commun. Des flashbacks nous les montrent adolescentes, puis dans leur maturité professionnelle. En particulier lors d’un reportage de Martha au Moyen Orient, parenthèse permettant à son collègue reporter de retrouver sur place l’un de ses anciens amours devenu religieux, occasion pour le réalisateur et scénariste de glisser l’importance de la relation charnelle dans les situations de guerre. Pedro Almodovar assume ses envies, celle de couleurs vives et contrastées, celle de plans que l’on dirait tracés au stylet, celle d’un montage dont la netteté et la précision participent à la narration formelle, celle de la direction de ses acteurs que l’on devine sous le charme de ce génie du cinéma, celle de ces décors laissant aux protagonistes tout l’espace à leurs émotions. En réunissant deux comédiennes que nous connaissons hors pair, l’Espagnol ne pouvait mieux choisir. Diaphane dans sa peau comme dans ses regards qui déjà contemplent un autre monde, Tilda Swinton est cette bouleversante Martha décidée à franchir l’ultime étape selon ses vœux. Inoubliable ! Ne lui cédant en rien, mais sur un tout autre registre, Julianne Moore campe une Ingrid en modèle même d’une compassion toute en retenue mais d’une intensité et d’une loyauté à toute épreuve. Le final du scénario pose le problème de la fin de vie programmée par le malade et les multiples entraves, ici en Amérique, qu’elle rencontre.
Loin de tout pathos, un film sublime, déchirant, mélancolique et, finalement, radieux.