Anora, un film de Sean Baker
En revisitant l’histoire de Cendrillon et de son Prince charmant, Sean Baker plonge sa caméra telle une lame brûlante dans notre temps et plus particulièrement au cœur des dérives liées à la drogue et à l’argent des oligarques russes. Impressionnant !
Anora est une jeune strip-teaseuse qui se produit dans une boite spécialisée à New York. Normalement, le surplus demandé par les clients ne va pas au-delà de quelques effleurements… Sauf que ce soir-là, l’un des clients, Yvan, tout jeune héritier d’un oligarque plein aux as, tombe sous le charme d’Anora et lui propose la chose, moyennant tarification somptuaire bien sûr. Beau gosse et peu regardant à la dépense, Anora se laisse entrainer dans la magnifique villa mise à la disposition du gamin par ses parents restés en Russie. De fil en aiguille, de fêtes effrénées en rails de coke qui ne le sont pas moins, Yvan demande sa main à la jeune Anora tombée elle aussi sous le charme slave. Un avion plus tard, direction Las Vegas et les voilà mariés. Ce qui ne tarde pas à arriver aux oreilles des parents… Ils envoient aussitôt une escouade de bras cassés pour faire rompre ledit contrat de mariage. Surtout sans faire de vague et sans toucher à Yvan. Anora ne l’entend pas tout à fait de la même manière et va se défendre bec et ongles alors que son bien-aimé traîne entre deux bouteilles de vodka. La période sexe et bacchanales fait place à un momentum qui frise, et bien au-delà, la baston. Tout en essayant de faire le moins de dégâts possible. Les deux bas du plafond chargés de l’affaire tiennent plutôt des Pieds Nickelés que de Jason Bourne. Ils sont le miroir comique de la tragédie que traverse cette Cendrillon égarée en plein XXIe siècle, aveuglée par l’argent coulant à flot et n’ayant pas compris l’inanité de son Don Juan immature en quête simplement de plaisirs immédiats et de jeux vidéo. Menée à un train infernal, cette tragi-comédie des temps modernes nous vaut quelques belles découvertes dont Mickey Madison, Anora naïve qui se révélera plus pugnace qu’attendu, et Mark Eydelshteyn, Yvan traçant le portrait parfaitement délirant de ces jeunes pourris gâtés vivant hors sol. Mention spéciale pour un second rôle stupéfiant de présence, Yuri Borisov incarne Igor, l’un des hommes de main de l’oligarque. Il tiendra la première place sur la fin du film, nous faisant découvrir une personnalité inattendue face à la détresse d’Anora. Une très belle composition.
Un film tourbillonnant où les rires se mêlent avec virtuosité aux plus intenses émotions.