19e édition du Festival de Rocamadour du 15 au 26 août
Notre société tout entière traverse des temps troublés, le monde de la culture n’échappant pas au marasme actuel, étant confronté comme d’autres à la baisse des subventions publiques. Dans ce contexte incertain, le Festival de Rocamadour tient bon le cap en étant l’un des rares événements musicaux d’Occitanie dont la fréquentation est en hausse depuis cinq ans. Une garantie pour l’avenir, qui explique en partie pourquoi la 19e édition du festival, du 15 au 26 août, a été placée sous le signe de l’espérance, 2e vertu théologale dont Charles Péguy disait qu’elle était la vertu chrétienne par excellence. Firma spes ut rupes, « l’espérance ferme comme le rocher », c’est la devise de Rocamadour !
Roberto Alagna et l’Orchestre Consuelo en ouverture dans la vallée de l’Alzou le 15 août
Parmi les chanteurs lyriques français menant une carrière internationale depuis la fin du siècle dernier, Roberto Alagna est certainement le plus connu et le plus apprécié du grand public. Chacun de ses récitals est un événement où se pressent de nombreux fans qui n’hésitent pas à venir parfois de très loin pour y assister. Autant dire que le concert d’ouverture que le célèbre ténor donne le 15 août à 20 h 30 dans la vallée de l’Alzou, au pied de la cité illuminée, s’annonce d’emblée comme l’un des temps forts de cette 19e édition. Il est accompagné dans son programme de grands airs sacrés et d’airs opéras par l’excellent Orchestre Consuelo dirigé par Victor Julien-Laferrière. Un premier rendez-vous riche en émotions, taillé sur mesure pour un artiste qui aime le public autant que le public l’aime.
Dès le lendemain, l’Orchestre Consuelo et Victor Julien-Laferrière sont de retour au pied de la cité, le 16 août à 20 h 30, pour un autre concert de prestige où vont être jouées à la suite deux des plus célèbres symphonies de Beethoven : la 5e, appelée aussi « Symphonie du Destin », et la 6e, dite « Symphonie pastorale ». Deux sommets du répertoire symphonique dont on imagine l’ampleur qu’ils peuvent prendre dans un décor aussi grandiose que celui de la vallée de l’Alzou au crépuscule. Ce programme rare et ambitieux s’inscrit dans un projet plus large de l’Orchestre Consuelo, avec l’enregistrement à venir de l’intégrale des symphonies de Beethoven.
Trois concerts à l’abbatiale de Souillac
La vaste abbatiale de Souillac est désormais le lieu privilégié de grandes soirées de musique chorale chères à l’équipe organisatrice du festival. Un écrin de choix pour des ensembles tels que le Tenebrae Choir de Nigel Short qui y a donné de superbes concerts lors des deux éditions précédentes, tous à guichets fermés. Rien d’étonnant donc à ce que le formidable chœur britannique soit de nouveau programmé en 2024 à Souillac, le 19 août à 21 h, avec un programme intitulé A Prayer for Delivrance, et constitué d’œuvres de compositeurs britanniques des XXe et XXIe siècles, de Gustav Holst aux contemporains Ben Parry, Cecilia McDowall et Joel Thompson. La seconde partie du concert est consacrée au très beau Requiem d’Herbert Howells, l’une des oeuvres majeures du répertoire choral anglais.
L’abbatiale Saint-Marie est depuis deux ans le théâtre des concerts spatialisés de La Tempête, formation réinvitée par le festival le 21 août à 21 h. Une fidélité et une confiance réciproques, consolidées par les énormes succès publics des dernières propositions de la compagnie dirigée par Simon-Pierre Bestion : Les Vêpres à la Vierge de Claudio Monteverdi en 2022 et La Bomba Flamenca en 2023. Cette année, La Tempête présente son programme Azahar où sont mises en regard la polyphonie médiévale de La Messe de Notre Dame de Machaut et des Cantigas de Santa Maria d’Alfonso X El Sabio, et la musique sacrée du XXe siècle, La Messe de Stravinsky et les Cantigas d’Ohana. Un des concerts les plus intrigants de cette 19e édition.
Le troisième concert à l’abbatiale de Souillac, le 25 août à 21 h, donne lieu à une première très attendue au festival, celle du réputé Collegium Vocale Gent fondé et dirigé par Philippe Herrewghe, figure quasi légendaire du petit monde baroqueux. Après avoir consacré son début de carrière à la musique baroque française, le grand chef belge a ensuite élargi un répertoire qui va maintenant de la Renaissance à la musique contemporaine. Pour l’avant-dernière soirée de l’édition 2024, le programme Et in Arcadia Ego réunit des compositeurs italiens de la fin de la Renaissance et des premiers temps du Baroque, le plus connu de tous étant Claudio Monteverdi. L’Arcadie, le livre-poème de Jacopo Sannazaro, sert de trame à ce concert.
Une programmation très variée et huit concerts à la basilique Saint-Sauveur
Le cœur battant et point de ralliement principal du festival reste bien sûr la basilique Saint-Sauveur, centre historique de la Cité et lieu d’exposition de la Vierge noire dans la chapelle qui lui est dédiée. Cet édifice du XIIe siècle à l’acoustique exceptionnelle accueille huit concerts d’exception lors de l’édition 2024.
Huit concerts mais seulement sept programmes puisque pour sa sixième participation consécutive au festival, Renaud Capuçon donne deux concerts à la basilique, le 17 août à 19 h 30 et 21 h 30. Pour ce double rendez-vous, il se produit en quatuor aux côtés du pianiste Guillaume Bellom, de l’altiste Paul Zientara et de la violoncelliste Stéphanie Huang. Grand admirateur de Gabriel Fauré dont nous commémorons cette année le centième anniversaire de la mort, le violoniste et ses trois camarades ont conçu un programme entièrement à la gloire du compositeur originaire de Pamiers, constitué de ses plus belles pièces : En Prière pour violon et piano, le Trio avec piano op. 120 en ré mineur, Après un rêve pour violoncelle et piano et le Quatuor avec piano n°2 op. 45 en sol mineur.
Le 18 août à 21 h, retour au festival de la grande révélation de l’édition 2023, le sextuor vocal The Gesualdo Six. Les chanceux ayant assisté au concert que les six chanteurs britanniques ont donné l’an passé à l’église Saint-Maur de Martel en gardent un souvenir mémorable. Leur nouveau programme Lux Aeterna, dédié à la mémoire des disparus et composé d’œuvres allant de la Renaissance à nos jours, va trouver en la basilique Saint-Sauveur un lieu d’expression idéal. Il rassemble notamment des compositions de Tavener, Byrd, Tallis, Lassus et Morales, ainsi que des pièces contemporaines de leur compatriote Joanna Marsh. Un rendez-vous à ne pas manquer pour tous les amoureux des voix.
Deux jours plus tard, le 20 août et toujours à 21 h, l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles est programmé pour la première fois à Rocamadour. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cet ensemble sur instruments anciens est de constitution récente, puisque créé en 2019. Sous la direction de l’organiste Chloé de Guillebon et en accompagnant les sopranos Florie Valiquette et Marie Lys, le jeune mais déjà remarquable orchestre versaillais présente un programme sous-titré Leçons de ténèbres autour de l’œuvre éponyme de François Couperin à laquelle sont associées des pièces de Marc-Antoine Charpentier et Louis-Nicolas Clérambault.
Le 22 août à 21 h, à la suite d’une première très réussie l’année dernière, retour à la basilique Saint-Sauveur de l’ensemble Correspondances dirigé par son fondateur, le claveciniste et organiste Sébastien Daucé. Le cycle Membra Jesu nostri, magnifié par la troublante voix d’alto de Lucile Richardot, avait ravi l’assistance en 2023. La chanteuse est de nouveau présente en 2024 pour interpréter les œuvres de l’inattendu programme Gloria Sveciae, « La gloire de la Suède », construit à partir des archives des collections royales de Suède avec des partitions de Johann Christoph Bach (cousin germain du père du célèbre Jean-Sébastien), Albrici, Tunder, Ritter, Peranda, Krieger, Pohle… Un véritable concert-découverte.
Comme le veut la tradition installée par Emmeran Rollin, le directeur artistique du festival, la basilique Saint-Sauveur accueille un récital de piano lors de chaque édition. Les plus grands artistes du clavier s’y succèdent depuis quelques années, de Nicholas Angelich à Nikolaï Lugansky en passant par Anne Queffélec, Alexandre Tharaud et Bertrand Chamayou. Le 23 août à 21 h, le public amadourien a rendez-vous avec un autre musicien français en la personne de David Fray, jamais entendu jusqu’alors dans la cité mariale lotoise. Le Tarbais s’attaque à un sommet du répertoire pianistique, les mythiques Variations Goldberg de son cher Jean-Sébastien Bach, une œuvre qu’il a enregistrée en 2021.
Une première avait également enchanté le public en 2023, celle du sopraniste Bruno de Sá accompagné par l’ensemble Les Accents dans un programme de pièces composées à l’origine pour les castrats. Le chanteur brésilien revient donc cette année, associé au contre-ténor Paul Figuier et toujours en compagnie des musiciens des Accents dirigés par le violoniste Thibault Noally, pour interpréter les merveilleux Stabat Mater de Vivaldi et Pergolèse ; deux chefs d’oeuvre agrémentés du motet pour voix seule In Furore justissimae irae et du Concerto pour violon en mi mineur RV275 composés par le premier nommé. Amateurs de voix masculines agiles et montant très haut dans les aigus, ce concert est fait pour vous.
Le dernier concert à la basilique Saint-Sauveur, en clôture de l’édition 2024, est donné le 26 août à 21 h par La Sportelle. L’ensemble en résidence au festival est dorénavant dirigé par Alix Dumon-Debaecker et propose un programme exclusivement français intitulé Da Pacem. Centenaire de la mort du compositeur oblige, le Requiem de Gabriel Fauré y trône en majesté à côté des Litanies à la Vierge noire de Francis Poulenc et d’Ecce Pulchra es, une pièce pour chœur et orgue de Thierry Escaich, compositeur contemporain que l’on peut considérer comme l’un des plus brillants héritiers de ses deux illustres aînés.
Et toujours des concerts hors les murs, des propositions insolites et les Moments d’orgue
Le concert « hors les murs » dans les jardins du Château de La Treyne, sur la commune de Lacave, est un passage obligé de la manifestation depuis quelques années. Offrant un cadre enchanteur au public, il est dévolu à des propositions qui détonnent dans la programmation du festival. La soirée du 25 août en est une illustration de plus avec le concert Mayrig (« petite maman » en arménien) donné par la mezzo-soprano Eva Zaïcik, le violoniste David Harountuninan et la pianiste Xenia Maliarevitch. Rendez-vous au château à 19 h pour un émouvant voyage musical à travers le temps et les régions d’Arménie, rythmé par les œuvres de Komitas et Garbis Aprikian.
En marge des grands concerts en soirée, le festival présente également de petites formes insolites comme la déambulation De la Terre vers le Ciel proposée par le trio vocal féminin Les Itinérantes sur le trajet du Chemin de Croix de Rocamadour, les 18 et 20 août à 23 h. Le programme est dédié à la musique sacrée et va de la polyphonie médiévale à la musique d’aujourd’hui en passant par quelques airs traditionnels. Il est interprété a cappella par Manon Cousin, Pauline Langlois de Swarte et Élodie Pont, trois chanteuses issues de traditions musicales différentes (jazz, chanson française, musique ancienne et musique du monde).
La mélodie française n’est pas oubliée au festival grâce au duo formé par le ténor Enguerrand de Hys et le pianiste Paul Beynet. La parution récente de leur CD Contes mystiques, sous le label « Rocamadour – Musique sacrée », est l’occasion de trois concerts à la chapelle du Grand Couvent de Gramat les 22, 23 et 24 août à 18 h. Au programme, des mélodies de Fauré, Gounod, Chausson, Hahn, Honegger, Mel Bonis, Nadia Boulanger…
Le jeune organiste italien Nicola Procaccini a lui aussi fait paraître récemment le CD Reflets sur l’air sous le label « Rocamadour – Musique sacrée » et c’est tout naturellement que lui a été confié le traditionnel Moment d’orgue à la basilique Saint-Sauveur, chaque jour à 12 h, du 15 au 26 août à l’exception des 17, 24 et 25.
Le second stage d’été pendant le festival
Après un premier volet en juillet, le stage d’été Cantica Sacra propose une seconde session du 17 au 23 août. Elle s’adresse autant à ceux qui veulent s’initier au chant choral qu’aux choristes souhaitant se perfectionner, et est encadrée par Mathilde Kohn et Quentin du Verdier, sous la direction d’Alix Dumon-Debaecker, tous membres de l’ensemble La Sportelle. Les stagiaires vont travailler sur la Deutsche Messe de Schubert avant de l’interpréter en concert de fin de stage à la basilique Saint-Sauveur, le 23 août à 16 h (entrée libre).
Bon festival !