Les sonorités magiques des pianos anciens
Sur plusieurs pianos du XIX° siècle remarquablement restaurés, un récital piano-violon interprété magnifiquement par deux artistes de haut niveau et à la belle sensibilité : Ariel Sirat au piano et Jean Marc Kerisit au violon, ce dernier ayant également joué du piano en ouverture avec un Prélude de Chopin ….. Au programme de ce mardi 30 avril à Toulouse: des Mazurkas et des Valses de Chopin joués sur différents pianos Pleyel ; « il me faut un piano de mon ami Pleyel « aimait à répéter Chopin. Puis la Sonate pour violon et piano en la majeur de Brahms sur un piano Streicher ; ces pianos viennois étaient les préférés de Brahms…. Et enfin , bénéficiant de la clarté de registre d’ un splendide piano français Erard, Ariel Sirat jouait magnifiquement le Thème et variations de Fauré, la Pavane pour une infante de Ravel, et pour finir en beauté la Sonate pour violon et piano de Debussy ….Ecouter ces chefs d’oeuvre joués de façon inspirée sur les pianos pour lesquels ils ont été composés est de l’ordre de la révélation ! On redécouvre littéralement ses pièces « dans leur jus », avec les sonorités, les harmoniques et la musicalité spécifique qui en résulte. Et en effet l’approche « historiquement informée « des baroqueux jouant sur instruments d’époque s’étend à présent au répertoire romantique et moderne, témoin le travail de nombreux artistes tels que Bertrand Chamayou et de l’association «Nouvelle Athènes» qui promeut la redécouverte de ces pianos anciens.
Le choc Tarmo Peltokoski à la tête de l’Orchestre du Capitole
Dans une Halle aux Grains archi-pleine, Tarmo Peltokoski, 24 ans, le nouveau et surdoué directeur musical de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse donnait le vendredi 3 mai deux chefs d’oeuvre ultimes du romantisme austro-allemand. En prélude à la musique, et dans le cadre du 700° anniversaire de l’Académie des Jeux Floraux, de belles poésies écrites et interprétées sur scène par la romancière Hélène Dorion et l’étonnant slameur Marc Alexandre Oho Bambé…..Puis place aux sublimes Quatre derniers lieders de Richard Strauss, chantés avec beaucoup de poésie par la soprano Chen Reiss, avec un Orchestre du Capitole ultra concentré et comme en apesanteur, où l’on aura apprécié un son d’orchestre particulièrement homogène, avec de superbes solos de violon et de cor. Puis la Neuvième Symphonie de Bruckner, chant du cygne de l’immense compositeur autrichien et de la symphonie romantique. Là aussi un orchestre dont le fondu, l’inspiration et la musicalité ont fait merveille, aussi bien dans les passages mystiques et spirituels que recèlent cette cathédrale sonore que dans l’effrayant martèlement du Scherzo ou dans l’apaisement de l’ Adagio final….Le sens de la construction, la gradation de l’intensité et des plans sonores, et le magnétisme incroyable de Tarmo Peltokoski sont tout simplement fabuleux ! L’orchestre et le chef ont littéralement fait corps d’une façon stupéfiante….Après les ères Michel Plasson (1968-2003) et Tugan Sokhiev (2005-2022), une nouvelle époque pour l’orchestre s’ouvre d’emblée au sommet.
Un concert immersif et chorégraphié avec les choeurs Conférences vocales et Ekho
Deux excellents choeurs de la région Occitanie ont donné à Toulouse un concert très original ce dimanche 5 mai : les Conférences vocales, choeur toulousain réunissant une quarantaine d’excellents chanteurs amateurs, invitait Ekho, formation montpelliéraine de seize chanteurs professionnels. Une rencontre née de la complicité des deux cheffes de choeur Laetitia Toulouse et Caroline Semont-Gaulon, et de leur attirance commune pour le répertoire vocal contemporain a cappella, en particulier pour les compositeurs d’Europe du Nord, assez peu connus des chanteurs et mélomanes français .
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En première partie chacun des deux choeurs a chanté en alternance. Depuis le fond de l’église les Conférences Vocales ont d’emblée bouleversé le public avec le sublime Miserere Mei du compositeur américain Richard Burchard, ainsi qu’avec le Even when he is silent du Norvégien Kim André Arnesen et l’Alleluia de l’Irlandais Bryan Sharpe.
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Nous avons pu ainsi apprécier les remarquables qualités de l’ensemble Conférences vocales que dirige avec talent Laetitia Toulouse. Une très belle homogénéité d’ensemble, une justesse d’intonation, une prononciation parfaite, un engagement sans faille reposant sur un chant par coeur, soutenu par des déplacements autour du public et des chorégraphies signées Loren Coquillat qui incarnent et soulignent le message musical. Cette mise en mouvement du corps génère pour les chanteurs une belle énergie et une liberté particulière. Et le public vit ainsi une expérience immersive de nature à susciter des émotions plus intenses. Cette approche originale et novatrice bouleverse les codes du concert, induit un rapport de plus grande proximité et de communion entre interprètes et auditeurs, et favorise la découverte d’oeuvres inconnues.
Une Médée de Charpentier historique à l’Opéra de Paris, avec Léa Desandre et William Christie
Enfin ! 331 ans après sa création, l’un des chefs d’oeuvre de l’opéra baroque français a fait son entrée au répertoire de l’Opéra National de Paris. Créé en 1693, le Médée de Charpentier est tombé dans l’oubli pendant trois siècles, jusqu’au moment où William Christie la redécouvre, l’enregistre par deux fois, et enfin la dirige en 2024 à l’Opéra Garnier dans une nouvelle production signée David Mc Vicar.
On le sait, l’histoire de Médée est aussi fascinante qu’effrayante: pour se venger de Jason, son amant infidèle, la magicienne – déjà parricide et fratricide – déchaîne ses pouvoirs infernaux et devient régicide puis infanticide ! David Mc Vicar fait le choix de transposer l’action dans les années 1940. Un choix risqué qui s’est révélé efficace et ajusté aux enjeux de l’oeuvre. La scénographie est visuellement somptueuse, avec un décor unique et sobre, celui du grand salon d’un palais classique avec un plancher-miroir qui duplique de façon vertigineuse l’action. Comme il était d’usage a l’époque baroque, l’oeuvre inclut plusieurs ballets interprétés ici par douze magnifiques danseurs, dans une chorégraphie virtuose et décalée signée Lynne Page.
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La prise de rôle de Léa Desandre en Médée fera date. Maitrisant à la perfection le style baroque français, son timbre, sa ligne de chant et sa diction font merveille. Elle impose ici une interprétation émouvante et très humaine. Tout d’abord femme amoureuse, fragile, exilée et blessée, elle bascule à l’acte III dans une colère froide et dans la vengeance, tuant un à un les protagonistes du drame.
Reinoud Van Mechelen, Laurent Naouri, Ana Vieira Leite, Gordon Bintner sont tous parfaits dans les rôles des autres personnages de la tragédie, ainsi que les nombreux seconds rôles parmi lesquels deux très talentueux chanteurs passés par le Conservatoire de Toulouse: Virginie Thomas et Bastien Rimondi. Le choeur et l’orchestre des Arts Florissants étaient ici au grand complet, tousremarquables de style, d’homégénéité, de suavité et de mordant. Et avec un William Christie en très grande forme du haut de ses presque 80 ans, dont l’énergie et la passion pour cette musique semble inaltérable.
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Et avec en prime une captation diffusée sur Arte à partir du 30 mai et sur la plateforme de l’Opéra.
A bon entendeur …..
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