Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
En quatrième vitesse de Robert Aldrich
Spécialiste notamment du western (Bronco Apache, Vera Cruz, El Perdido…) ou du film de guerre (Attaque, Les Douze Salopards), Robert Aldrich s’est aussi illustré en signant en 1955 un film noir qui marqua l’histoire du cinéma. En quatrième vitesse, adapté d’un roman de Mickey Spillane, met en scène le détective privé Mike Hammer à Los Angeles et pose les nouveaux codes du genre : brutalité, cynisme, nihilisme. Après une scène d’ouverture surprenante (une femme en imperméable et pieds nus court sur une route la nuit avant de croiser le cabriolet du héros qui la recueille) suivie d’une non moins étonnante scène d’assassinat maquillé en accident, En quatrième vitesse déploie une intrigue sinueuse au cours de laquelle Hammer va tenter de découvrir les auteurs et les raisons de ce meurtre en compagnie de sa secrétaire et maîtresse Zelda.
Les cadavres s’amoncellent, la police est de la partie, des criminels aux pedigrees variés s’invitent dans la danse tandis que ce ballet macabre, essentiellement nocturne, s’organise autour d’une mystérieuse boîte, objet des convoitises générales…
Les démons du monde
En dépit de petites conventions (toutes les femmes tombent dans les bras de Mike Hammer) et d’un interprète principal (Ralph Meeker) limité à sa puissante présence physique, le film d’Aldrich impressionne par l’originalité de son propos et de sa forme. Influencée par Orson Welles, la mise en scène multiplie plongées et contre-plongées, cadrages singuliers, ellipses. La photographie en noir et blanc d’Ernest Laszlo est une merveille. Un tempo jazzy (outre Nat King Cole que l’on entend au début) accompagne un récit mené tambour battant.
Complots, paranoïa, trahison : En quatrième vitesse est aussi le portrait d’une Amérique baignant dans le maccarthysme et la Guerre froide. Aldrich parsème son film d’insolences et d’audaces, convoque la mythologie, appelle à ne pas réveiller « les démons du monde ». Trop tard. La scène finale n’a rien perdu de sa fulgurance ni de sa radicalité qui font d’En quatrième vitesse un conte funèbre inaltérable.
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