Du 27 février au 7 mars était donné à l’Opéra national du Capitole Idoménée, premier grand chef d’oeuvre lyrique de Mozart
Cet opéra est rarement donné, car il s’agit d’un opéra seria (drame ou se confrontent des humains et des dieux), genre moins prisé aujourd’hui que les comédies et Singspiel de Mozart (Noces, Cosi, Enlèvement, Don Giovanni, Flûte,…). Et pourtant la musique de Mozart y est incroyablement créative et sublime de bout en bout, avec des airs et un accompagnement orchestral mettant en valeur l’Orchestre national du Capitole et en particulier ses bois, et pas moins de 7 choeurs, interprétés de façon superlative par le choeur toulousain « Les Eléments » que dirige Joël Suhubiette. La sobre mis en scène du japonais Satoshi Miyagi opère un parallélisme entre le livret et la situation du Japon en 1945. Sans être totalement convaincante, elle ménage quelques beaux effets visuels. La distribution vocale est impeccable, avec une mention spéciale pour l’Idamante de Cyrille Dubois et l’Electre de Andreea Soare.
Le dimanche 3 mars, dans une Halle aux Grains bondée était donné la Cantate BWV 100 de Bach, centième « Cantate sans filet » donnée chaque mois depuis 15 ans par l’Ensemble Baroque de Toulouse (EBT). Pour fêter cette centième édition le choeur de l’EBT a fait appel aux chanteurs qui ont participé à l’une ou l’autre de ces cent cantates sans filet (dont votre serviteur !), si bien que ce sont 60 chanteurs qui se sont joints aux quatre chanteurs solistes et à un orchestre très fourni. Lors de la répétition Michel Brun a comme à l’accoutumée présenté de façon érudite et très vivante chaque partie de la cantate, suivie par l’interprétation intégrale de la cantate ou ont brillé les chanteurs et les solistes de l’orchestre dans des airs redoutablement difficiles à interpréter. Belle ovation du public pour les artistes…. et pour un projet fou dont le succès ne se dément pas.
Etant de passage à Paris dans la semaine du 11 mars, j’en ai profité pour voir de nombreux spectacles….
Et tout d’abord à l’Opéra National de Paris à Bastille, The exterminating angel , nouvelle production du formidable opéra du britannique Thomas Adès, compositeur contemporain terriblement doué. Inspiré du film éponyme de Bunuel , cet opéra en forme de huis clos réunit dans un diner mondain une quinzaine de convives qu’une force mystérieuse et invisible – incarnée ici à l’orchestre par les ondes Martenot- retient pendant plusieurs jours dans le salon les invités. Peu à peu les masques et les codes de la bienséance tombent, les émotions et les pulsions s’expriment avec de moins en moins de retenue, jusqu ‘au sacrifice ultime….Basé sur un livret aussi prenant, la musique de Thomas Adès est saisissante de théâtralité et de puissance, tandis que le casting des 15 chanteurs solistes et l’orchestre sont tous remarquables. Quand à la mise en scène de Calixto Bieito, elle fait le choix d’une grande pièce ovale d’un blanc immaculé et reste relativement sobre en dépit de la crudité de certaines séquences. Ce spectacle qui a fait l’événement à Paris est visible sur la POP (plateforme de l’Opéra de Paris) , sur Medici TV, ainsi que sur France Musique le 20 avril prochain.
Le lendemain, rendez vous avec l’excellent Orchestre National de France (ONF) qui jouait à domicile dans la magnifique acoustique du grand auditorium de Radio France (1 500 places), entièrement réaménagé voici quelques années. L’ONF, qui fête en ce moment ces 80 ans d’existence, a prévu plusieurs concerts de jubilé, avec notamment une venue à Toulouse le 29 mai dans le cadre de Grands Interprètes. Un avant concert a été donné dans le foyer par quelques musiciens de l’ONF, avec notamment l’étonnante fantaisie pour 4 altos de York Bowen. En ouverture du concert du soir retransmis sur France Musique -et disponible en Podcast- , la création mondiale de Cumulus Humilis de la compositrice Claire Mélanie Sinnhuber, magnifiquement interprétée par Joséphine Poncelin de Raucourt, (ancienne flutiste de l’Orchestre du Capitole). Christian Tetzlaff, l’un des plus grands violoniste de sa génération lui succède dans le méditatif et nostalgique concerto pour violon n°2 de Chostakovitch. La finesse et la poésie du jeu de Tetzaff nous envoûte, jusqu’à un 3° mouvement très enlevé et virtuose. Après l’entracte, la brillante et énergique cheffe néo zélandaise Gemma New revient diriger une Symphonie Pastorale de Beethoven, dans lesquels les bois de l’ONF brillent de mille feu. L’interprétation est subtile, la battue extraordinairement précise, avec un seul bémol : le trop grand nombre de cordes (14 premiers violons et 12 seconds violons), ce qui déséquilibre quelque peu la balance entre cordes et bois, et avec un orage un peu trop sage du côté des cuivres….
Rdv au Théâtre de la Porte Saint Martin avec la pièce de Joel Pommerat, Contes et légendes : une pièce chorale réunissant des adolescents et des adultes, ou s’entremêle avec beaucoup d’habileté trois thématiques contemporaines: la place des robots, les relations intra-familiales, et les fossés entre générations. L’écriture de Pommerat fait merveille, chaque séquence se déroule sur un rythme alerte, et l’interprétation est impeccable. Voici donc une pièce contemporaine intelligente et accessible, créée dans le théâtre public, et qui poursuit son succès dans le théâtre privé et en tournée.
Dernière soirée à Paris avec une expérience hors norme : c’est le spectacle visuel et musical immersif « Luminescence » donné dans l’immense Eglise Saint Eustache. Après une déambulation théâtralisée dans les chapelles latérales, le public s’assied dans la nef et assiste à un concert en « live » doublé d’une mise en lumière en perpétuelle évolution de la voute et des piliers.
Le résultat est formidable : la technique du mapping et la merveilleuse partition de lumière soulignent la splendeur de l’architecture de Saint Eustache mêlant les styles Gothique flamboyant et Renaissance, tandis qu ‘un choeur et un orchestre dialoguent avec le grand orgue dans des pièces de musique classique allant du Moyen âge à aujourd’hui, parfois réarrangées pour cette formation originale.
Retour à Toulouse le 22 mars pour le beau concert « Vivaldi, entre ombre et lumière » proposé par l’Ensemble Baroque de Toulouse (EBT) et la mezzo Caroline Champy-Tursun, cette fois ci dans la magnifique église de Blagnac dans le cadre de la saison d’Odyssud. La voix somptueuse, la musicalité et la présence de Caroline Champy sont éblouissantes dans les airs d’opéras qui clôturent le programme. Mais elle déçoit un peu dans le Stabat Mater écrit par Vivaldi dans le registre plus grave de la voix d’alto. Quand à interprétation de l’EBT, elle s’est révélée d’une subtilité et d’un dynamisme épatants, notamment dans la Sinfonia al Santo Sepolcro et dans le concerto « il Gardellino » ou a brillé le traverso de Michel Brun.