Du 1er au 3 mars 2024, l’édition toulousaine des salons art3f prendra ses quartiers au MEETT. Expertise de galeristes, échange direct avec les artistes, des œuvres pour toutes les bourses… L’évènement cherche une fois de plus à décloisonner l’art contemporain.
L’art contemporain sans barrières ni préjugés. C’est ce que proposent les salons art3f. Cette année, l’édition toulousaine se déroulera du 1er au 3 mars 2024 au MEETT, pour le plus grand plaisir des esthètes de la ville rose. La formule sera identique à celle des précédentes éditions : une grande variété d’univers artistiques, des artistes émergents comme renommés, des galeristes aux conseils avisés et des tarifs abordables. Le tout dans une ambiance conviviale, antinomique des salons guindés à l’esprit élitiste où un enfant serait par exemple persona non grata.
Un salon décomplexé pour tous
À l’origine, l’équipe des salons art3f travaille dans la communication. L’idée de créer des évènements d’art contemporain est justement née d’une mauvaise expérience vécue par un membre de l’agence dans un salon. Le leitmotiv : proposer quelque chose de décomplexé et d’ouvert à tous les types de public. Un concept qui marche. La mayonnaise prend très bien dans la Cité des Violettes, où la fréquentation est particulièrement élevée. Mais en plus des différentes déclinaisons de l’Hexagone (Mulhouse, Lyon, Nantes…), la manifestation s’exporte en Suisse, au Luxembourg et en Belgique. « 3f », représente en effet les trois frontières traversées.
5 questions à Serge Beninca, directeur des salons art3f
Décloisonner l’art contemporain, rendre le contact avec les artistes plus facile… C’est une mission qui vous a tout de suite semblée réalisable via le format salon ?
Effectivement. Avant notre arrivée sur le marché, il y avait déjà des salons essentiellement destinés aux galeristes, respectant ainsi une chaîne mise en place. C’est-à-dire que l’artiste était fait pour produire et la galerie était faite pour vendre. Sauf qu’il y a 12 ans de ça, il nous a paru évident de proposer cette opportunité de vente aux artistes. Et on a eu raison puisqu’on s’est rendus compte à quel point les visiteurs et les acheteurs avaient besoin de contact avec l’artiste et inversement. Les artistes nous disent unanimement : « Nous on a besoin de ce contact, de se nourrir d’émotions ».
Il y a un échange qui se fait entre la personne qui aime l’oeuvre et l’artiste. Des échanges sur les techniques, sur les fournisseurs, et parfois même un soutien moral. Car les artistes peuvent vivre des périodes plus compliquées que d’autres vis à vis de leur travail. Puis, quand on achète une œuvre d’art, on a besoin de la petite histoire qui va autour. Et cette petite histoire, bien souvent, il n’y a que l’artiste qui la connaît. Après, quand on a l’oeuvre à la maison et qu’on la présente, il est toujours intéressant et flatteur de la commenter, et d’expliquer le pourquoi du comment. L’artiste peut clairement passer une heure à expliquer son travail et donc tout ça, c’est important. Une autre catégorie de client aime se rapprocher de galeristes mais on parle peut-être d’oeuvres plus onéreuses, on est éventuellement plus dans l’investissement.
L’an passé, vous nous avez dit : « le prix ne fait pas l’émotion ». Dans le cadre d’une œuvre contemporaine et de l’art en général, qu’est ce qui fait l’émotion selon vous ? Cette histoire que peut raconter l’artiste derrière l’œuvre ?
D’abord, à mon avis, on voit l’oeuvre un peu comme, dans la vie de tous les jours, une fille voit un garçon et inversement, et il y a quelque chose qui se passe. Après on creuse un peu, et l’échange peut conforter cette espèce de coup de coeur. Et je pense que dans l’art, au départ, il doit vraiment y avoir ce coup de coeur. Mais l’explication de l’oeuvre peut peut-être valider ou conforter l’achat. Cette discussion est de toutes façons nécessaire. Sur les œuvres, soit on met une étiquette avec un prix, soit on met une numérotation. Je conseille la numérotation aux artistes. La discussion peut commencer sans notion de budget et libre à l’artiste de faire un effort financier, de proposer un paiement en plusieurs fois, ou d’expliquer que c’est son métier et que quand on achète une œuvre, on soutient aussi un artiste, et quelque part, une famille aussi.
Il faut l’expliquer aux gens ça aussi, certains ne comprennent pas que c’est un métier. Alors que derrière il y a des charges, un loyer à payer, etc. Donc ça fait partie du processus d’achat. Mais tout commence par un coup de coeur. Et c’est pour ça que je disais « le prix ne fait pas l’émotion » l’année dernière, et j’en suis intimement persuadé. Le prix peut faire une émotion, mais plutôt au niveau du portefeuille (rires). Et j’ai bien conscience que 2000 ou 3000 euros, pour certaines familles, c’est énorme, mais ça reste accessible par rapport à d’autres salons avec des prix à six zéros. Ici, on peut aussi repartir avec une œuvre d’art unique, signée, numérotée pour 150 euros.
En 2023, vous aviez également prédit que la fréquentation du salon de Toulouse pourrait dépasser celle de Mulhouse, qui était la plus importante jusqu’ici. Ce dessein s’est-il réalisé ?
Oui, ça s’est réalisé, et on l’a nié (rires). Le salon de Mulhouse, c’est le salon historique, et il y a une petite guéguerre entre nos artistes et galeristes toulousains et nous, à Mulhouse. Mais oui, Toulouse a dépassé Mulhouse, qui est repassé devant au mois de novembre parce qu’on a fait un salon qui a été absolument exceptionnel. Donc, Mulhouse est repassé devant, mais quand même, ce salon a une ancienneté supérieure à celui de Toulouse, donc je reste persuadé que dans 2-3 ans, Toulouse récupérera la première place et ne la quittera pas.
Toulouse était tout de même passé devant lors de sa dernière édition. Et il y avait eu un problème, c’est qu’on avait eu très froid. Le MEETT avait sous dimensionné sa capacité de chauffage et il n’était pas équipé de coupe-vent. On s’était gelés à l’entrée, avec 13 ou 14 degrés. C’était l’enfer. Mais par contre, il y avait eu un monde fou. On avait eu une queue de plus de 100 mètres à l’extérieur le dimanche. On se rappelle de ce côté négatif qu’était le froid et de ce côté positif qu’était le monde. Souvent, on me demande pourquoi il y a des salons où il y a plus de monde que d’autres, et honnêtement, je ne sais pas. Et à Toulouse, non seulement il y a du monde, mais en plus, ça achète. Il y a un potentiel financier non négligeable. Et cette année il y aura la 8ème édition, ça passe vite.
Cette année, avez-vous retrouvé les exposants locaux que vous aviez perdu en quittant le centre-ville pour le MEETT, après le succès de la délocalisation ?
Oui. C’est vrai qu’on avait eu un boycott de près de 90% des exposants locaux. Ils nous expliquaient par A+B qu’ils connaissaient très bien leur région et que personne ne viendrait. C’est pourtant la grand tendance, les parcs des expos en France, et de s’installer à l’extérieur de la ville, et souvent à côté d’un aéroport. Et surtout, pour accueillir autant de monde sur un salon, quand on a plus de 35.000 visiteurs, ce ne sont pas des gens du centre-ville, ce sont des gens qui viennent de tout le département.
Or, aujourd’hui, quand vous venez de n’importe quelle ville du département, vous avez meilleur temps d’aller au MEETT qu’au centre-ville de Toulouse, où, en plus, on avait des problèmes de parking, où on stressait quand il y avait un match de foot, comme il y a 3 ans avec TFC-PSG, et on avait dû embaucher des vigiles. Là, en terme de parking, au MEETT, c’est génial. Alors, évidemment, il y a peut-être quelques personnes qui habitent en centre-ville qui ont un petit peu craché dessus, mais tous les autres étaient super contents. L’accessibilité du MEETT, elle est géniale. Tout n’est pas fini, il y aura également la construction d’hôtels à l’avant du MEETT, et là ça sera le top. Mais même aujourd’hui, dans d’autres villes, il y a ce réflexe de croire que les parcs des expos doivent être dans le centre ou l’hypercentre. Pourtant, même les grandes zones commerciales s’excentrent.
Quels sont vos objectifs pour cette édition 2024 à Toulouse ?
Comme pour un peu toutes nos éditions sur 2024, en tant qu’organisateurs, on a été confrontés à une hausse des tarifs, des prix de l’énergie, des fournitures… En 2023, notre objectif était déjà de maintenir la qualité proposée et le nombre d’exposants, et je pense qu’on y est arrivés. On a eu un premier semestre plutôt bon, voire même très bon. Un second semestre un peu moins bon. Pas mauvais mais un petit peu plus compliqué parce qu’il s’est rajouté plein de choses, entre la guerre en Ukraine, l’inflation, l’énergie qui a grimpé en septembre, etc. Mais, on a fini par trois salons qu’étaient Bordeaux, Mulhouse et Bruxelles, qui ont été vraiment bons et même exceptionnels, et ça nous a un petit peu rassurés. Et donc on part un peu plus confiants pour cette nouvelle année et moins inquiets.
D’autant qu’on a trois beaux salons qui se suivent : Paris, Strasbourg et Toulouse. Au vu du monde de l’an passé, je suis persuadé qu’on n’a pas encore atteint le potentiel maximum de Toulouse, et nous, on œuvre plus qu’il y ait toujours plus de monde et d’acheteurs, mais aussi proposer une belle sélection à nos visiteurs. De ce que j’ai déjà pu voir, il y a une très très belle qualité à venir, je sens qu’on va encore franchir un cap. On essaye d’asseoir définitivement ce salon dans le paysage toulousain. En tous cas, c’est pour nous une ville où ça roule bien, où c’est facile à organiser. Et si en plus, il n’y a plus de problèmes de chauffage… (Rires).