Originaire du Lot, Christopher Gibert partage sa vie de musicien entre la direction de chœur et la composition. Il a étudié au Conservatoire de Toulouse et de Boulogne-Billancourt et y a obtenu deux Premiers prix mention très bien à l’unanimité en direction de chœur et en analyse musicale. En parallèle, il a validé un Master de musicologie à l’Université Paris IV Sorbonne sur l’œuvre religieuse de Marc-Antoine Charpentier.
Christopher Gibert a créé en 2013 à Toulouse le Chœur de chambre Dulci Jubilo. Il dirige de nombreuses productions à l’échelle nationale et aime collaborer régulièrement avec d’autres chefs et ensembles comme Mélisme(s) (dir. Gildas Pungier), Les Passions (dir. Jean-Marc Andrieu) ou Matheus (dir. Jean-Christophe Spinosi). De 2022 à 2024, il est en résidence de composition et chef invité à l’Abbaye de Sylvanès – centre culturel de rencontres. Christopher Gibert est professeur de direction de chœur au conservatoire de Montauban.
Il revient à Toulouse, le 12 décembre prochain, dans le cadre de la saison des Arts Renaissants pour un grand concert au cours duquel, associé à l’ensemble Mélisme(s), Dulci Jubilo célèbre la musique chorale allemande à double chœur mais également des créations de Christopher Gibert lui-même et de Caroline Marçot.
A cette occasion, Christopher Gibert a aimablement accepté de répondre à nos questions.
Classictoulouse : Qu’est-ce qui a motivé votre engagement pour la musique en général ?
La place de la création, de l’expérimentation, du défi à relever, de la quête perpétuelle du meilleur, du beau, sont je crois ce qui m’anime depuis le début et continuera de me pousser toujours vers l’avenir. La musique, c’est un objet sonore, une matière vivante, conditionnée par le temps et l’espace. Je crois que c’est cela qui me fascine. Comment lui donner vie et agir sur elle à notre échelle, selon nos capacités et notre imaginaire.
Comment vous êtes-vous investi dans la direction de chœur ?
Le besoin d’affirmer une direction artistique couplée à un besoin intense de partager ses idées, ses rêves avec les autres. Je suis à l’origine organiste, instrument qui me passionne toujours autant, mais qui n’arrivait pas à répondre à ces besoins. Le chœur est un instrument fabuleux : jamais identique, assurément intense et rempli de la musique des autres. C’est ce que l’on peut construire ensemble qui m’intéresse, et j’apporte mon regard et mon imaginaire, en tentant d’emmener tout le monde avec moi dans cette voie.
Et dans la composition ? Quel lien entretenez-vous entre ces deux activités ?
C’est un tout. Je ne me considère pas comme “organiste”, “chef de chœur”, “compositeur”, “professeur”… Les catégories ne m’intéressent pas. Quand on “fait de la musique”, nous sommes un Tout qui nous ressemble, hérité de notre passé et nous construisons notre vie autour de ce tout. Je me considère comme un musicien qui compose, cela nourrit ma direction, et vice-versa, etc…
Comment s’est déroulée la fondation du Chœur Dulci Jubilo ? Qui sont les chanteurs qui le composent ?
Nous avons commencé en 2013, quand j’ai rassemblé des étudiant-e-s du conservatoire et de la faculté autour d’un projet vocal et instrumental. Cela a évolué et suivi son cours. En 2018, alors parti de Toulouse pour Rennes et Paris, j’ai décidé de faire évoluer le projet, sans renier son origine, mais en faisant une bascule vers un ensemble vocal professionnel : le Chœur de chambre Dulci Jubilo. De fait, j’ai auditionné, rencontré de nouvelles voix, souhaité de nouveaux alliages vocaux. Mais je suis heureux et fier d’avoir pu continuer ce projet avec des chanteuses et chanteurs qui sont là depuis le début, elles-mêmes et eux-mêmes devenu-e-s professionnel-le-s dans une multitude d’ensembles. Le chœur est donc aujourd’hui constitué de grand-e-s artistes, de la région toulousaine ou venant de partout en France, selon leur profil et les programmes joués. C’est un ensemble allant de 8 à 24 chanteuses et chanteurs ayant toutes et tous le souci de la précision, de l’exigence et de la beauté dans les œuvres interprétées.
Quel répertoire explorez-vous avec ce Chœur et comment évolue-t-il ?
Nous n’avons pas de barrières, pas de limites stylistiques, et j’y tiens ! J’aime construire des programmes thématiques pouvant aller de la musique médiévale à des créations contemporaines. Nous interprétons des grandes œuvres du répertoire, mais j’apporte un grand soin à faire connaître la musique de notre temps, soit par des commandes de nouvelles œuvres, soit par la valorisation de nouveaux répertoires. Enfin, au cours des prochaines saisons, nous allons explorer les polyphonies traditionnelles occitanes et catalanes, avec la complicité précieuse de Pascal Caumont et nous préparons un grand programme américain pour chœur et big band en 2025 ! Nous vous réservons donc encore quelques surprises…
Quelle place la pédagogie occupe-t-elle dans vos activités ?
Elle est partout. Elle est présente dans la construction d’un programme musical qui va concilier musique classique et contemporaine, elle est présente dans nos activités de médiation lors de stages et d’ateliers, elle est présente auprès de mes étudiant-e-s au conservatoire qui découvrent le métier de chef. La pédagogie est un élément fondamental de notre métier tout entier, qui nous permet de rendre la musique classique accessible, sans la dénaturer.
Comment l’association avec l‘ensemble Mélisme(s) est-elle née et comment évolue-t-elle ?
J’ai connu le Chœur de chambre Mélisme(s) et Gildas Pungier lorsque je vivais à Rennes. Gildas a même été un de mes enseignants durant ma licence d’interprétation de direction (DNSPM). Nous avons toujours gardé contact, je l’ai assisté pour des productions et nous nous sommes toujours bien entendus musicalement et humainement. C’est donc tout naturellement que nous avons eu l’idée d’associer nos ensembles pour fêter nos anniversaires respectifs, dix ans pour Dulci Jubilo et vingt ans pour Mélisme(s), autour d’un programme à double chœur.
Pouvez-vous nous parler du programme du concert du 12 décembre et des deux créations musicales qu’il contient ?
C’est un programme original car il nous ramène au cœur de notre travail, à savoir valoriser le grand répertoire grâce à Brahms, Bach et Mendelssohn. Mais c’est aussi un pari sur l’avenir avec deux créations contemporaines en écho à ces géants de la musique allemande. Caroline Marçot et moi-même avons été sollicité-e-s pour composer ces nouvelles œuvres pour double chœur a cappella.
Caroline a imaginé une œuvre inspirée, habitée par la poésie de Nietzsche. Le Nachtwandlerlied est une véritable marche immuable vers notre destin jalonné de questionnements intimes et profonds sur notre Être. J’ai pour ma part aussi traité la notion de marche, mais par le chemin de Syméon à travers le texte du Nunc dimittis. C’est une œuvre pleine de lumière, d’espoir et de joie qui contrepointe le Mit Fried und Freud luthérien, comme un clin d’œil à ces compositeurs allemands du programme “Dialogues”.
Propos recueillis par Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse