Samedi 2 décembre, à la Halle, 20h, grand moment avec les musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse dirigés par son nouveau Directeur musical, Tarmo Peltokoski. Au programme, le Concerto pour violon d’Arnold Schœnberg avec pour soliste Renaud Capuçon. Pour suivre, de Richard Wagner, l’Ouverture des Maîtres Chanteurs de Nuremberg et pour clore, de Richard Strauss, le poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra.
On sait tout du fulgurant début de carrière du tout jeune chef Tarmo Peltokoski, tout comme de la brillante carrière affirmée du violoniste Renaud Capuçon, mais encore du magnifique parcours actuel de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Aussi, la place sera donc faite davantage aux œuvres que l’on retrouve à l’affiche de ce concert de prestige.
Arnold Schœnberg
Concerto pour violon et orchestre, op. 36
I. Poco allegro
II. Andante grazioso
III. Finale : allegro environ ≤ 30
Quelques mots, sur l’un des plus difficiles concertos pour violon du répertoire, et sur son compositeur qui est alors âgé de 60 ans quand il y met un point final en 1936. Vif-lent-vif d’accord, mais attention à la surprise !
Le 13 septembre 1874 naît à Vienne, Arnold Schœnberg dans une petite famille de la bourgeoisie autrichienne. Les parents, passionnés de musique, le milieu est donc porteur et, à huit ans, le petit commence des études de violon, et même à composer ! Se familiarisant très vite avec la musique de chambre. Plus trop de temps pour le lycée et tous les efforts se focalisent alors sur la musique. Du violon, Arnold va passer au violoncelle, devient chef de chœur à la Chorale des Métallurgistes !! de Stockerau. 23 ans et c’est avec Alexandre van Zemlisky qu’il étudie le contrepoint. On reste en famille puisque ce dernier devient son beau-frère. Puis, ce seront les premiers lieder et le sextuor à cordes La Nuit transfigurée (1899) dont la partition ne soulèvera pas grand enthousiasme dans le public à sa création. Il le réécrit à deux reprises en 1917 et 1943 pour orchestre à cordes. Suivra un vaste poème symphonique en 1902, Pelléas et Mélisande.
Mars 1900, Arnold commence aussi la composition des Gurrelieder, oratorio profane démesuré par son immense appareil sonore et sa durée qui lui permettra d’obtenir la bourse Liszt appuyé par…Richard Strauss. Il l’achève tardivement en 1911. Sa création à Vienne en 1913 sera un triomphe. On pourrait suivre le chemin cahoteux qui va conduire le compositeur des Gurrelieder à la pseudo-tonale Ode à Napoleon Bonaparte de 1942, en passant par les Pièces pour orchestre op. 16, atonales, mais non sérielles et les Variations pour orchestre, purement sérielles ! le langage est devenu plus hermétique et la rupture est même inévitable. On n’oublie pas que Schœnberg a mis au point la série “dodécaphonique“, que nous laissons sur le bord du chemin. L’exacerbation de la dissonance permanente dans l’écriture devient délicate. C’est l’École de Vienne qui prend naissance avec ses disciples attitrés Alban Berg et Anton Webern, indissociables de ces nouvelles constructions musicales. Il composera de façon conséquente pendant un demi-siècle de 1900 à sa mort. Sans oublier que le génie de cet artiste ne se limite pas qu’à la musique. Il est également un écrivain et un peintre au talent reconnu.
Nous oublions aussi la démarche très imagée qui fait se rapprocher le compositeur de la théorie originale du pommier et nous arrivons en 1906 à son Premier Quatuor à cordes en ré mineur op. 7. Pour en situer l’écriture, sachons que pour le Quatuor Rosé, quatuor réputé, il leur a fallu quarante répétitions pour en venir à bout. Mahler dira à Schœnberg : « J’ai l’habitude de déchiffrer des partitions écrites sur trente portées, mais seules, les quatre de votre opus 7 m’ont donné infiniment plus de mal. » Il fallait bien situer les qualités de la partition qui caractérise ce concerto et qui vont distraire Renaud Capuçon car la tâche est, paraît-il tout aussi ardue. Même si sa composition arrive bien plus tard.
Ce Concerto pour violon est la première œuvre majeure que le compositeur achève le 23 septembre 1936 après son arrivée sur la côte californienne. En 1933, il a fui l’Allemagne en pleine nazification, pour Paris et en suivant les USA. C’est la période américaine, dernier pan de sa vie. À L. A. , il retrouve des artistes comme Thomas Mann, Theodor Adorno et maints musiciens et chefs. Schœnberg enclenche alors une évolution, pour le moins déconcertante. Le musicien tente une curieuse synthèse entre la tonalité, qu’il a jadis abandonnée, et la méthode sérielle dont l’élément générateur est bien toujours la série dodécaphonique, même s’il a fait quelque pause. L’artiste qui, le premier, a tenté la constitution d’un langage nouveau est devenu un homme âgé, a moins de forces pour s’être longtemps battu. Mais il n’a pu oublier le XIXè siècle dont il est issu et c’est la tradition romantique qui réapparaît. Le Manifeste rédigé en 1919 par son disciple le plus brillant, Alban Berg, est bien loin.
Anton Webern, son ancien élève, est le dédicataire de ce Concerto. La pièce est jugée impressionnante, rigoureuse et débordante d’intégrité musicale personnelle. Hors de question, si on veut profiter de son écoute, de se plonger dans sa construction – invraisemblable. Une copie de la partition mise entre les mains de l’immense Jascha Heifetz fin 1936, lui fit dresser le constat suivant : il me manque un sixième doigt. On ne se bouscule pas pour jouer ce nouveau concerto. Pas facile ! Et il est donc très rarement donné en salle de concert. Attention, il faut aussi un orchestre exceptionnel.
Violoniste hors-norme, orchestre exceptionnel aussi, on comprend mieux le choix d’une telle affiche exigée par le chef, exceptionnel d’un soir, à savoir Tarmo Peltokoski.
Richard Wagner
Les Maîtres chanteurs de Nuremberg : Ouverture ? Prélude ? la musique qui retentit avant que l’action de « Tannhäuser » ne commence porte pour la dernière fois dans la production de Wagner l’ancien nom d’ « ouverture ». Dès lors, c’est de « prélude » qu’il qualifiera les pages qui nous font entrer dans le lumineux univers du Graal de Lohengrin ou dans le royaume de l’éternelle nuit de Tristan, et cela, même lorsque la dénomination d’ « ouverture » aurait pu une fois encore, une toute dernière fois, pleinement s’appliquer: dans la fête en ut majeur qui donne libre cours à ses accents d’allégresse avant que le rideau ne se lève sur les « Maîtres Chanteurs de Nuremberg ».
Sur l’Ouverture des Maîtres chanteurs : « Je viens d’entendre une fois de plus comme si c’était la première fois, l’Ouverture de Wagner aux Maîtres chanteurs : c’est là un art somptueux, surchargé, lourd et tardif qui a l’orgueil d’exiger de ceux qui veulent le comprendre qu’ils tiennent encore pour vivant deux siècles de musique (…). Que de sèves et de saveurs, que de siècles et de climats ne viennent pas s’y mêler ! Cette musique apparaît tantôt comme archaïque, tantôt comme étrangère, âpre et d’une excessive jeunesse , elle est aussi arbitraire que pompeusement traditionnelle, quelque fois espiègle, plus souvent rude et grossière ; elle a du feu et de l’audace,… » Par-delà le bien et le mal de Friedrich Nietzsche (1885)
Richard Strauss
Ainsi parlait Zarathoustra, poème symphonique, op. 30
Zarasthoustra : « Je vous enseigne le Surhumain. L’homme n’existe que pour être dépassé. Qu’avez-vous fait pour le dépasser ? »
Commencé le 4 février 1896, achevé le 24 août de la même année, le poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra op. 30 d’un Richard Strauss de 32 ans fut créé à Francfort trois mois plus tard, le 27 novembre 1896 sous la direction du compositeur, lors d’un concert de la Frankfurter Museumgesellschaft à Francfort-sur-le-Main. Chronologiquement, il se situe en pleine période de composition de poèmes symphoniques soit, entre le Till Eulenspiegel d’une part de1895 et d’autre part, Don Quichotte de 1897 et La Vie d’un héros de 1898.
« Je suis convaincu que personne n’est aujourd’hui à même d’entendre toute la partition de sa musique » avait écrit Frédéric Nietzsche à la fin de son ouvrage en 1885, sorte d’hymne à la solitude qui enthousiasme la jeune génération de ces années-là. Strauss en relève le défi. Sa partition est somptueusement instrumentée et propose un véritable évangile de la vie terrestre.
La partition est ambitieuse. Le prétexte philosophique qui l’anime, assez brumeux, tout de même, se ramène essentiellement à la conception “nietzschéenne“ du Surhomme et aux rapports évidemment conflictuels de ce dernier avec le monde qui l’entoure. Strauss nous prévient qu’il n’avait pas voulu écrire de la musique philosophique, ni traduire musicalement la grande œuvre du philosophe Nietzsche. Il s’est simplement « proposé d’exprimer musicalement un tableau du développement de la race humaine à travers ses différentes phases… ». Ne perdons pas de vue que nous sommes en …1896
Au début de la partition du musicien, on trouve une citation du livre de Nietzsche : « La musique a trop longtemps rêvé ; nous voulons maintenant nous réveiller. Nous étions des somnambules ; nous voulons devenir des rêveurs éveillés et conscients. » Celui qui prononce ces mots, c’est Zarathoustra, le narrateur et personnage principal, inspiré de Zoroastre – un penseur et mystique de la Perse antique qui a aussi inspiré Rameau (pour sa tragédie lyrique Zoroastre) et Mozart (pensons à Sarastro dans La flûte enchantée). Dans le livre de Nietzsche, Zarathoustra s’est retiré dix ans dans la montagne, avant de revenir parmi les hommes pour partager sa sagesse et prophétiser l’avenir de l’humanité.
L’orchestre nécessaire, cliquez ici :
Orchestre national du Capitole