Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
La Ronde de Max Ophüls
La scène d’ouverture de ce film, adapté d’une pièce de théâtre d’Arthur Schnitzler, dit beaucoup de l’art de Max Ophüls. Un personnage, sorte de Monsieur Loyal, filmé en travelling latéral dans un décor de théâtre ou de cinéma, annonce aux spectateurs que l’on va assister dans la Vienne de 1900 à une ronde des sentiments et des désirs. Nous sommes bien chez Ophüls, maître de l’artifice et de la mise en abîme, démiurge élégant commandant tel Sacha Guitry (venu lui aussi du théâtre) le ballet de ses créatures. Dans ce chassé-croisé de rencontres amoureuses construit autour de neuf séquences reliées par le passage d’un personnage de l’une à l’autre, le cinéaste met en place un récit faussement vagabond et d’une rigueur implacable. Prostituée, soldat, femme de chambre, jeune homme de bonne famille, grand bourgeois, femme mariée, officier : amours frivoles, illégitimes, tarifés ou conjugaux se succèdent et s’entremêlent au fil d’un ballet audacieux qui se moque au passage de la censure (le narrateur intervient à un moment pour couper une scène jugée trop licencieuse).
A la liberté du propos répond la fluidité d’une mise en scène incarnée par des travellings devenus célèbres tandis que les éléments du décor (portes, fenêtres, miroirs, escaliers…) participent à la dynamique d’un cinéma en mouvement se jouant des contraintes.
Casting éblouissant
Ce qui peut paraître comme une ode au libertinage et au plaisir à travers la diversité des sentiments et des situations n’est cependant pas exempt d’une forme de mélancolie, de désenchantement face au constat que le bonheur n’est jamais joyeux ou qu’il n’existe peut-être même pas. Mensonges et manipulations sont au cœur des jeux de l’amour et de la séduction ainsi, bien sûr, qu’au cœur du septième art. Tout est éphémère et appelé à se répéter sans cesse comme sur un carrousel, nous dit Ophüls.
Sorti en 1950, La Ronde marquait le retour en France du cinéaste allemand qui dut fuir le nazisme et fut naturalisé français en 1938 avant de s’exiler aux Etats-Unis. Le film allait aussi inaugurer une série d’œuvres majeures (Le Plaisir, Madame de…, Lola Montès) et son éblouissant casting (Simone Signoret, Serge Reggiani, Simone Simon, Danielle Darrieux, Odette Joyeux, Gérard Philipe…) participe à sa beauté intemporelle.
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