Le 12 juillet dernier, le Chœur de chambre Les éléments célébrait les 25 ans de sa fondation sous la direction de Joël Suhubiette. Le magnifique écrin de la Basilique Saint-Sernin accueillait ce soir-là le Chœur de l’Académie des éléments, l’organiste Michel Bouvard et la mezzo-soprano Lise Nougier, sous la direction de Joël Suhubiette, dans un programme d’œuvres de Maurice Duruflé bâti autour de son célèbre Requiem.
Un public nombreux et enthousiaste emplit généreusement la belle nef de la basilique pour ce concert organisé en partenariat avec les Quartiers d’été du festival Toulouse les Orgues. Signalons que pour cet événement, les bancs de l’église ont été tournés vers l’orgue afin de permettre aux spectateurs d’admirer la prestation du Chœur, disposé juste au-dessous de l’orgue. A la suite de l’intervention de bienvenue du Père Bogdan Velyanyk, Curé de la basilique, Joël Suhubiette et l’organiste Michel Bouvard évoquent en ouverture les circonstances de cette célébration. L’enregistrement, il y a tout juste 25 ans, du Requiem de Maurice Duruflé avec Michel Bouvard à l’orgue compte parmi les premiers projets du Chœur de chambre Les éléments. Joël Suhubiette et Michel Bouvard ont souhaité, à l’occasion de cet anniversaire, reprendre ce chef-d’œuvre de l’art choral français dans le cadre de l’Académie de l’atelier vocal des éléments. A cette occasion, les chanteuses et chanteurs d’Archipels, l’atelier vocal des éléments, rejoints par les participants à l’Académie, ont donc décidé de préparer ce Requiem et de l’offrir au grand public.
En guise d’introduction, l’orgue et le chœur offrent un bouquet de pièces de Maurice Duruflé en subtile symbiose avec l’œuvre majeure de la soirée. Suivant la suggestion de Michel Bouvard, les épisodes musicaux du concert s’enchaînent sans interruption ni applaudissements, instaurant ainsi une atmosphère touchante de recueillement. Rappelons que Michel Bouvard est titulaire de ce magnifique orgue historique Cavaillé-Coll depuis 1996.
Les premiers accents de la soirée sont ceux du Prélude en mi bémol mineur de la Suite opus 5 joué à l’orgue par Michel Bouvard. Les basses impressionnantes, la gamme des couleurs sombres ainsi déchaînées rappellent la grandeur, la beauté insigne de ce trésor instrumental. Les Quatre motets sur des thèmes grégoriens, pour chœur a cappella, prolongent cette atmosphère. La douceur initiale mêle la grâce émanant des voix féminines et le soutien admirablement équilibré des voix masculines. La complexité de la structure rythmique et harmonique confère une belle richesse au déroulement fluide de ces pièces. L’orgue seul conclut cette entrée en matière avec l’éloquence du Prélude sur l’Introït de l’Epiphanie. Les neuf étapes du Requiem s’enchaînent ensuite sans le moindre hiatus.
Le grand portique initial, l’Introït, établit un équilibre sonore idéal entre le chœur et l’orgue qui se poursuit tout au long de cette œuvre que son compositeur caractérise par ces mot : “Ce Requiem n’est pas un ouvrage éthéré qui chante le détachement des soucis terrestres. Il reflète l’angoisse de l’homme devant le mystère de sa fin dernière… Il tend à traduire les sentiments humains devant leur terrifiante, inexplicable ou consolante destinée.” Maurice Duruflé.
Et c’est bien ainsi que Joël Suhubiette dirige avec précision et musicalité cette succession de moments chargés d’émotion. La ferveur lumineuse du Kyrie précède le déploiement de fascinants jeux colorés de l’orgue dans un Domine Jesu Christe animé de puissants contrastes expressifs.
Dans le Sanctus, conçu comme une proclamation chaleureuse, le grand crescendo, admirablement réalisé, impressionne. La mezzo-soprano Lise Nougier déclame le Pie Jesu depuis la tribune de l’orgue. Fraîcheur vocale et richesse du timbre confèrent à cette étape un charme particulier.
A la suite de l’Agnus Dei, baigné de finesse, et de la douceur lumineuse du Lux aeterna, le Libera me déploie enfin cette angoisse devant l’inconnu qu’évoque Duruflé dans la présentation de son œuvre. Ce sentiment s’exprime ici avec une force particulière que l’épisode ultime seul va enfin apaiser. In Paradisum conclut cette longue marche dans une lumière à la fois douce et intense jusqu’à cet étrange accord suspendu qui semble promettre un futur heureux.
Tout au long de cette exécution mémorable, on admire autant le bel équilibre entre les voix du chœur et la richesse des couleurs de l’orgue, que la parfaite diction des textes sacrés.
Une longue ovation salue ce retour sur 25 années de musique et de chant. Au point que l’ensemble reprend le In Paradisum, offert avec la même ferveur et le même raffinement.
Bel anniversaire aux éléments !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Toulouse les Orgues • Les Eléments