Le 14 février dernier, l’ensemble Sirba Octet renouait enfin avec la saison toulousaine des Arts Renaissants. Après les reports imposés par la pandémie, ces retrouvailles ont attiré un lfarge public dans un auditorium Saint-Pierre des Cuisines bondé et enthousiaste. Les standards des musiques russes, tziganes et klezmer composaient un programme vivifiant et coloré.
Ce soir-là, les huit musiciens du Sirba Octet invitent le grand virtuose spécialiste de la balalaïka, Alexei Birioukov. Cette rencontre fait des étincelles dans une succession de pièces musicales issues de la tradition orale d’Europe centrale et orientale.
Rappelons que c’est au violoniste Richard Schmoucler que l’on doit la création en 2003 du Sirba Octet cet ensemble à mi-chemin entre l’académisme classique et la musique traditionnelle d’Europe de l’Est. Il s’associe à cinq amis musiciens membres de l’Orchestre de Paris, de l’Orchestre national de France et de l’Opéra de Paris, ainsi qu’à un pianiste et un cymbaliste. Signalons également que les arrangements sont signés Cyrille Lehn.
Ces artistes chevronnés composent ainsi un groupe professionnel d’un niveau musical exceptionnel. Tout au long de cette soirée festive, on admire les qualités individuelles de chacun ainsi que la parfaite cohésion de l’ensemble. Dès les premières notes de la Suite de Moldavie qui ouvre le concert, on découvre avec bonheur la virtuosité et la finesse du jeu de clarinette de Rémi Delangle, les belles et profondes sonorités de l’altiste Corentin Bordelot et de la violoncelliste Claude Giron, l’incroyable vitalité du vétéran Bernard Cazauran à la contrebasse, la fluidité du piano de Sébastien Vichard, la touche orientalisant de Iurie Morar au cymbalum. L’ensemble est admirablement coordonné depuis son violon par Richard Schmoucler, habilement secondé par son alter-égo au violon Laurent Manud-Pallas.
En outre les prestations musicales s’accompagnent d’un jeu scénique irrésistible de drôlerie. En particulier, les deux violonistes ne se privent pas de mimer quelques gags délirants jusqu’à la danse. La plus grande liberté règne sur le plateau de l’auditorium. Les musiciens dans leur ensemble conjuguent le verbe jouer dans tous les sens du terme. Richard Schmoucler insère même entre deux musiques quelques blagues juives bien en situation…
Les nombreuses pièces qui composent ce riche programme abordent tous les affects possibles. De la frénésie absolue à la profonde nostalgie, du bonheur sans mélange à la tragédie. L’émotion est au cœur du programme avec ce dramatique chant du ghetto Gayen zay in shvartse Reien. La joie éclate dans quelques airs tziganes chaleureusement rythmés et parfois accompagnés de cris de joie des musiciens eux-mêmes.
L’entrée de la balalaïka d’Alexei Birioukov apporte son lot de couleurs et d’exaltation. Ce musicien au sourire permanent s’intègre à l’ensemble avec les caractéristiques propres de cet instrument rare sur les scènes « classiques ». Rappelons que la balalaïka, populaire en Russie, est un instrument à cordes pincées. C’est un luth à manche long à la caisse typiquement triangulaire. Le mot balalaïka vient du russe balakat, qui signifie bavarder, plaisanter, taquiner. C’est exactement ce à quoi se prête le musicien avec une virtuosité et une énergie sans limite. En particulier, son jeu de trémolo impressionne. Une intervention touchante à la balalaïka seule permet en outre au soliste d’exprimer toute la gamme des sentiments liés à la culture « mitteleuropa ».
Quelques pièces jouées ce soir-là ont été largement popularisées. On reconnaît ainsi au passage le célèbre Temps du muguet, à la fois tendre et ardent, ou encore le « tube » universel Kalinka que l’on pourrait presque reprendre en chœur ! Encore une fois, les passages nostalgiques alternent avec les épisodes carrément endiablés.
Rappelés avec enthousiasme, les musiciens prolongent encore cette atmosphère de fête en offrant plusieurs bis aussi bien joués que dansés. Sans nul doute, ces joyeux musiciens seront toujours les bienvenus à Toulouse !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse