Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
Dans la bibliographie abondante de Patrick Besson, on peut piocher au hasard et souvent. Lire ses romans couronnés par des prix comme Lettre à un ami perdu (prix del duca), Dara (Grand Prix du roman de l’Académie française), Les Braban (prix Renaudot) ou bien débusquer des titres moins connus à l’instar des merveilleux Un état d’esprit ou Come baby. On ne négligera pas ses récits autobiographiques (Les années Isabelle, 28, boulevard Aristide Briand, Tour Jade…) ni ses textes de combat (Contre les calomniateurs de la Serbie) ou ses nombreux recueils d’articles, de chroniques ou de critiques.
Dans ce registre, le dernier en date, Est-ce ainsi que les hommes vivent ?, qui vient de sortir quelques semaines à peine après la publication d’un portrait de Novak Djokovic et du roman Scènes de ma vie privée, rassemble les chroniques hebdomadaires publiées par l’écrivain dans Le Point entre 2010 et 2020. Pourquoi les textes de Besson parus dans la presse constituent de véritables livres et non de banales compilations ? L’auteur donne la réponse : « J’écris mes articles comme des romans et mes romans comme des articles. »
Cœurs sensibles
Dans Est-ce ainsi que les hommes vivent ? défilent l’air du temps, les humeurs (bonnes ou mauvaises) d’un esprit libre qui confie avoir choisi « le confort ricanant de l’écriture » pour décrire le « grand spectacle permanent du monde ». La politique, le cinéma et bien sûr la littérature ont la part belle. Besson revient sur quelques-uns de ses écrivains favoris : John Burdett, Roger Vailland, Marc-Edouard Nabe, Jacques Laurent, Jean-Marc Roberts, Michel Déon (magnifique évocation), Jean-Michel Gravier…
On a l’impression que ce jeune homme rouge de soixante-six ans a tout lu, tout vu (même Balkan Line, remarquable blockbuster russo-serbe qui n’est pas sorti en salles chez nous). Une défense de Woody Allen croise des pastiches de Marcel Aymé. Au fil des chroniques, on s’installe dans une géographie intime dont Paris est le cœur battant, mais avec des détours par l’Afrique, l’Asie ou Berlin. Evidemment, on retrouve l’humour cinglant de Besson au gré de chroniques hilarantes, de formules et de coups de griffe (« Le spectacle comique dont je rêve : lecture publique, par Dany Boon, du dernier roman de Christine Angot. »). Il se souvient encore d’Underground d’Emir Kusturica éreinté par quelques philosophes français : « L’un d’eux, qui ne l’avait pas vu, écrivit dans Le Monde un article pour que les Français n’aillent pas le voir non plus. » Voici des pages pour faire « battre plus fort ce qu’il reste, dans notre société féroce, de cœurs sensibles. »
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? – Albin Michel