Marie Perbost, cette Parisienne grand teint, fait ses classes lyriques à la Maîtrise de Radio France, les poursuit au Conservatoire national Supérieur de Paris et à l’Académie de l’Opéra national de Paris. Il y a pire ! Aujourd’hui engagée dans une carrière brillante, mais qu’elle juge difficile, cette jeune cantatrice nous a confié en toute sincérité et sans langue de bois son enthousiasme mais aussi ses craintes quant à un métier qui a considérablement changé depuis quelques années.
Classictoulouse : Comment définiriez-vous votre voix ?
Marie Perbost : Je parle assez peu de ma voix. Ce sont les autres qui me la décrivent. Quand je chante, ce que j’entends et ce que vous entendez c’est le jour et la nuit c’est donc difficile de répondre à cette question. Ce que me disent les personnes en qui j’ai une totale confiance, mes collègues, ma prof, tourne surtout autour du velours de mon timbre et sa sensualité. Ce qui me donne des pistes pour mes rôles. Je suis un soprano lyrique.
Votre répertoire aujourd’hui est essentiellement baroque et classique et pourtant, preuve cette Musette, on vous sent prête pour d’autres aventures…
MP : Oui, Christophe Ghristi m’offre de manière très généreuse l’occasion de me faire confiance dans un autre répertoire. J’ai déjà creusé celui du 19è siècle mais dans des ouvrages plus légers, tels que l’opérette et la mélodie. Il est très intéressant de travailler avec des collègues qui sont familiers de ce répertoire romantique. J’apprends beaucoup à leur contact. Chanter à côté d’une Mimi, d’un Rodolfo ou d’un Marcello, avec les élans lyriques qui sont les leurs me donne envie de tenter d’autres répertoires et d’autres aventures.
Qui peut chanter Musette peut chanter Mimi, bien que Musette soit un peu plus tendue en terme de tessiture moyenne.
MP : C’est ce que me disent tous mes collègues. Même ma Mimi (ndlr : Vannina Santoni) me l’a dit. C’était assez sympa de sa part, non, dans un milieu où la concurrence est rude ? Finalement je crois que je vais me laisser tenter par l’expérience. Cela dit, c’est bien de commencer par Musette, plutôt que l’inverse. D’autant qu’aujourd’hui Musette correspond davantage à mon tempérament.
Puccini avait imaginé pour sa première Musette une chanteuse de café-concert, Ricordi a pris peur et a refusé. Pourtant il y avait du vrai dans cette démarche improbable mais très moderne, non ?
MP : Vous verrez que dans le spectacle il y a clairement une référence à cela. Chanter le répertoire café-concert accompagné par l’accordéon est pour moi un véritable bonheur. Je connais ce monde par cœur, c’est mon bac à sable. D’ailleurs il faut que je calme ma gouaille parisienne qui est naturelle chez moi. Imaginez, ma famille est parisienne depuis sept générations ! Pour en revenir à La Bohème, vous me parlez de modernité et c’est très vrai. En plus de cette histoire de café-concert, regardez comment l’œuvre fait parler les hommes. Dans cet opéra, les héros ont peur, ils le disent, pleurent, se parlent entre eux de tout, confrontent leurs peines. C’est un comportement qui a disparu depuis plus d’un siècle mais qui est heureusement en train de refaire surface. Sur le plateau j’entends dans cet opéra le discours des hommes que je fréquente dans ma vie, c’est extrêmement touchant et très beau à la fois.
Votre premier Midi du Capitole a fait sensation pour plusieurs raisons, dont la moindre ne fut pas que nous avons assisté à une performance de stand-upeuse. Votre incarnation de la Folie dans la Platée mise en scène par Shirley et Dino nous montre jusqu’où vous pouvez aller. Quel est votre rapport à la scène ?
MP : Comme beaucoup d’entre nous, j’ai un rapport amour/haine très fort, un mélange incroyable de stress et d’exaltation. Vous faites référence à ce Midi du Capitole. Pour moi c’était un énorme pari car auparavant je faisais des récitals, soit d’airs d’opéra, soit de chansons. Et cette fois je tentais la conjugaison des deux. Entre les lumières et un fauteuil, choses que l’on n’utilise pas en principe dans un récital, j’ai pu me réaliser dans un moment qui était intensément … moi. Ce rapport à la scène est pour moi ce moment de partage avec le public dans ce que l’on pense faire de plus personnel. Je crois que les spectateurs étaient très heureux avec ce répertoire et ils ont été très généreux avec moi. Dans la formule récital, mon objectif final est de communiquer avec le public verbalement, non pas pour des raisons pédagogiques, mais pour établir un lien. Et lorsque la salle réagit favorablement, c’est formidable. Je dois avouer que tout en adorant l’opéra, une forme qui me nourrit artistiquement, ma nature spontanée m’amène vers le récital.
Vers quel répertoire vous entraînent vos envies aujourd’hui et quels sont vos projets.
MP : Vous n’ignorez pas que notre activité ne marche plus sur les envies. Certes quelques acteurs privilégiés imposent telle ou telle chose mais ce n’est pas le cas de la majorité d’entre nous. Aujourd’hui nous chantons ce que l’on nous propose tout simplement. Cela dit, si mon répertoire est aujourd’hui surtout français, je commence à regarder de près le répertoire transalpin, par exemple les mélodies de Bellini. D’ailleurs je pars à Palerme travailler avec Desirée Rancatore sur ce thème.
Toute cantatrice a un rêve. Quel est le vôtre ?
MP : Certainement de revenir chanter Blanche de Dialogues des carmélites. Je l’ai déjà chanté mais j’étais clairement trop jeune pour en approcher toute la complexité. C’est l’un des plus beaux livrets de tout l’opéra. L’œuvre est complètement transcendante. En plus c’est un ouvrage qui m’a tenu la main à un moment douloureux de ma vie. Je lui en suis profondément reconnaissante. Mais pour répondre précisément et sincèrement à votre question et pour tout vous dire, la nuit je ne me réveille jamais en rêvant d’un rôle particulier.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
MP : Merci de me poser cette question car elle est fondamentale aujourd’hui dans notre métier. Très clairement, surtout du côté féminin, les carrières de demain seront plus courtes, 15 ans maximum. Plusieurs raisons à cela dont la moindre n’est pas, et c’est tant mieux, qu’il y a beaucoup de monde sur le marché et que le jeunisme fait flores dans nombre de maisons d’opéra. De nos jours, la profusion des productions dans tous les styles musicaux fait que nous malmenons notre voix. Les agendas deviennent fous. Un jour on chante du 16è et le lendemain du 20è et voilà comment les instruments s’usent beaucoup plus vite. Nous ne pouvons pas refuser car comme tout le monde, nous avons aussi des impératifs matériels… Donc, et comme il ne sert à rien de se lamenter et encore moins de faire le spectacle de trop, il faut d’ores et déjà réfléchir à une seconde vie qui nous amènera jusqu’à la retraite. Personnellement j’y réfléchis. J’ai réalisé que j’ai toujours eu des affinités immenses avec le monde de la radio. D’autre part, je suis attirée par des fonctions pédagogiques. Je sais par ailleurs que l’on manque d’encadrement dans les Conservatoires. Et pourquoi pas prendre la tête d’une institution ?
Propos recueillis par Robert Pénavayre
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