La 27e édition du Festival Cinespaña commence aujourd’hui, pour El Día Del Cine Español, jusqu’au 16 octobre pour ce qui concerne Toulouse. Des 160 films documentaires vus, 6 sont en Compétition Documentaire, et à partir des 114 longs-métrages de fiction vus, 8 sont en Compétition Fiction, dont 5 dans la catégorie Nouveaux Cinéastes. La qualité du festival ne se résume pas qu’à la compétition, et Alba Paz, la co-directrice avec Loïc Diaz-Ronda, nous parle de cette nouvelle programmation.
Bon Cinespaña !
Peux-tu nous parler de la co-production avec la Cinémathèque ?
Elle a commencé en 2017, avec le cycle Malavida. Le cinéma Quinqui, qui va de la fin des années 70 au début des années 80, qui retraçait un peu la vie des jeunes des quartiers périphériques des grandes villes comme Madrid, Barcelona, Bilbao. Franco était mort peu de temps avant, et donc l’arrivée de la démocratie entraînait beaucoup d’espoir, mais en vrai, la périphérie des grandes villes restait très pauvre, la jeunesse avait peu d’espoir et la délinquance s’installait. En 2018, nous avons proposé la rétrospective Álex de la Iglesia et la comédie noire espagnole. Ça a été super chouette de se replonger dans son œuvre. La rencontre avec le public reste pour moi l’une des plus drôles à laquelle j’ai assisté.
En 2019 ¿Dónde está el espíritu de la República? pour l’anniversaire des 80 ans de la Retirada, avec des films qui commémoraient la défaite des Républicains, mais aussi de cinéastes qui se sont exilés et qui ont parlé de la défaite depuis l’étranger. 2020, première année Covid, et avant cette pandémie, nous avions déjà choisi le théme ¡Pánico Pop! Subversion en Espagne, des yéyés à la Movida, avec des comédies musicales un peu déjantées. Ça nous a fait un bien fou. 2021 : seconde année Covid, et nous avions l’impression que les semaines se répétaient avec les consignes, les couvre-feux, comme dans Un jour sans fin. C’est ainsi qu’est née l’idée du cycles sur les distorsions du temps, des boucles, des répétitions : Cronocrímenes – Comédies fantastiques & autres mondes parallèles. Le nom de Nacho Vigalondo est naturellement apparu. La rencontre avec lui était super chouette.
Et 2022, c’est le cycle Spanish noir, majoritairement masculin, avec 12 films, qui vont des années 50 – qui est l’âge d’or du cinéma policier espagnol – jusqu’à nos jours, avec les films de Rodrigo Sorogoyen qui est le plus actuel eprésentant. Que Dios nos perdone et El Reino ont été le point de départ de l’élaboration de ce cycle, puisqu’ils renouvellent le genre.Nous sommes en contact avec lui depuis cet hiver, et entre temps, il y a eu le succès de As Bestas sorti cet été, et toujours à l’affiche, qui a conquis la presse et le public.
Rodrigo Sorogoyen sera parmi nous samedi 8 octobre,
Rencontre animée par Franck Lubet et Jérôme Ferret, sociologue et maître de conférences HDR (EHESS) à l’Université Toulouse Capitole, plus de renseignements ici.
Par le biais du cinéma policier, ces 12 films critiquent la société espagnole, d’ un point de vue politique et social. Avec la Cinémathèque de Toulouse, nous souhaitions depuis longtemps aborder le cinéma policier espagnol, car c’est un genre qui nous intéresse, et qu’il a été très très peu exploré hors de l’Espagne. Le cinéma espagnol a encore beaucoup de films à faire découvrir, et par conséquent, chaque année, avec la Cinémathèque, nous nous amusons à explorer ou à revenir sur un cinéma encore méconnu, notamment avec le cinéma fait sous Franco, qui pour des raisons évidentes, n’a jamais été correctement mis en avant. On fait toujours des échos à nos programmations passées, ou des réalisateurs se répondent les uns aux autres. On programme par exemple de nouveau un film de Eloy de la Iglesia, avec La Semaine d’un assassin.
L’avis de Carine : Ne loupez pas les films de Rodrigo Sorogoyen, les 3 sont des bijoux, où tout est parfait (scénario, son, image, acteurs, photo, tout !) : une tension qui m’a fait m’incruster dans mon siège de cinéma, comme pour Jusqu’à la garde. Les trois sont brillants ! Pour les autres 9 films du cycle, je ne les ai pas vus, mais je suis bien curieuse car chaque année, la co-production avec la Cinémathèque vaut le coup.
C’est le retour du Festival sans Covid….
Les deux années avec le Covid ont entraîné une baisse de fréquentation, comme tous les événements culturels. Cette année, il y aura un peu moins d’invités et de films, mais presque toutes les sections habituelles du festival sont présentes. 2022 a été une grande année pour le cinéma espagnol. On retrouvera des films plus grand public dans la section panorama Espagne au Cratère, des films plus indépendants en avant-première comme Nos Soleils de Carla Simón, Ours d’Or à la Berlinade 2022, à l’American Cosmograph.
L’avis de Carine : j’avais déjà aimé Eté 93 de la même réalisatrice (chronique à lire ici),et Nos Soleils est tout aussi sensible, même plus. Tout est maîtrisé, et encore une fois, elle sait filmer l’enfance. Seul le choix de ce titre français est vraiment très mauvais.
L’avis de Carine : Après Psiconautas et Decorado, Alberto Vázquez revient avec ses dessins choupis pour aborder la guerre, la mort, la jalousie, de manière pas du tout choupie. Même si je préfère Psiconautas, Unicorn Wars est une expérience à voir en salles. Coeur sur toi, et toi !
On s’éclate bien avec la section Relámpagos (= éclairs) à l’ABC, car ce sont souvent des nouveaux cinéastes qui expérimentent différentes approches cinématographiques par le biais du court-métrage. Cette année, la section s’articule autour de Chema García Ibarra qui une longue carrière de courts-métrages, qui a gagné le Prix Nouveaux Cinéastes 2021 avec son premier long-métrage Esprit Sacré.
L’avis de Carine : Il n’y a pas que le cinéma belge qui sait faire du cinéma grolandais. Film très décalé, très drôle, mordant au début, pour laiser place au fur et à mesure à une réalité bien glauque.
On a aussi choisi deux autres cinéastes qui reprennent son côté conte avec des personnages particuliers. On découvre donc une autre vision de l’Espagne, qui est assez drôle.
Mais on a aussi réussi à maintenir les rencontres littéraires, avec Javier Cercas, qui vient presque tous les ans.
Attention, changement de programme : Baltasar Garzón, – magistrat très connu internationalement, notamment pour être à l’origine de plusieurs enquêtes et du procès contre Pinochet -, sera présent uniquement en visio à l’Institut Cervantès le mercredi 12 octobre à 18h30, et concernant la projection de Hacking Justice sur l’affaire Julian Assange au Pathé Wilson, elle sera en présence de Laurent Dauré, journaliste et membre fondateur du Comité de Soutien de Julian Assange.
A noter une manifestation pour la libération de Julian Assange est prévue sur Paris, le samedi 8 octobre à 14h, départ devant la petite réplique de la statue de la Liberté, à l’extrémité de l’île aux Cygnes située sous le pont de Grenelle dans le 15e arrondissement. Métro, par les lignes 10 (Charles Michels) et 6 (Bir-Hakeim), ou avec le RER C (Avenue du Président Kennedy-Maison de Radio France).
J’en profite pour remercier le Pathé Wilson et tous les mécènes qui nous aident pour financer les sous-titres des films du Festival.
Un mot sur la place du cinéma portugais dans le Festival…
On avait envie depuis plusieurs années d’ouvrir nos frontières, et le cinéma portugais nous avait toujours questionnés. L’Espagne et le Portugal sont des pays voisins, avec des histoires parallèles – avec les dictatures, et l’arrivée de la démocratie. La Galice et le Portugal sont très proches culturellement. Nous sommes donc sortis de notre zone de confort et nous sommes partis explorer le cinéma portugais, qui est, malheureusement, peu présent dans les salles françaises
L’année dernière, nous avions donné une carte blanche au festival Indie Lisboa, avec une sélection de courts et de long-métrages. Et cette année consacre la saison France-Portugal 2022, qui nous permet d’organiser une rétrospective des films de João Pedro Rodrigues à la Cinémathèque de Toulouse. C’est un cinéaste qui soigne très bien ses films, – la direction artistique, les décors, la musique -, et je suis tombée sous le charme de son cinéma. Joao pourra discuter avec nous, en visio, mais Raphaël Lefèvre qui a monté certains de ses films sera parmi nous. La section panorama Portugal reprendra des films portugais, mais on aura aussi des films portugais en avant-première. On espère ouvrir notre fenêtre sur le cinéma portugais davantage chaque année.
De quoi êtes-vous le plus fiers ?
Nous sommes assez fiers d’avoir pu définir la ligne éditoriale du Festival. Quand on va dans les salles présenter les films, on recroise les mêmes personnes dans le public. Pour nous, cela signifie que ce que nous proposons plaît aux spectateurs, que ce soit du cinéma plus indépendant, ou du cinéma plus grand public. On a réussi à fidéliser le public, et en plus, déjà en 2021, j’étais très agréablement surprise d’avoir pu assister à un renouveau du jeune public, particulièrement à la Cinémathèque. Cinespaña est aussi reconnu en Espagne, par notre travail sur trois axes :
– découverte et le soutien des nouveaux réalisateurs qui proposent des choses vraiment surprenantes, de la fraîcheur, des formats nouveaux.
– notre partenariat avec la Cinémathèque : nos différents cycle proposéss sont salués en Espagne.
– et faire découvrir des films du patrimoine, essayer de redonner une nouvelle vie à des films qui ont été principalement vus uniquement en Espagne. Par exemple, le film de clôture Canciones para después de una guerra de Basilio Martín Patino, un cinéaste clé de la transition, est fait à partir d’images d’archives de la guerre, montées sur des chansons populaires, du côté républicain et du côté franquiste.
C’est super beau : le montage est magnifique. Et cela fait écho au Día del cine español. En 2021, le Ministère de la culture espagnol a instauré le 6 octobre comme la Journée du cinéma espagnol. Cette journée célèbre les grandes figures du patrimoine cinématographique national. Nous rendons hommage au réalisateur Juan Antonio Bardem dont on fête cette année le centenaire de la naissance.
L’avis de Carine : je conseille Cambio de sexo, de Vicente Aranda. Vu lors d’un Extrême Festival, en présence de Lou Castel, le film est vraiment superbe, avec Victoria April toute jeune (itw d’elle à lire ici). Karmafilms Distribution ressort le film prochainement.
Tous les renseignements sur le site https://www.cinespagnol.com
Télécharger le programme ici