Jean-Marc Andrieu, le fondateur et directeur musical de l’orchestre Les Passions (Orchestre Baroque de Montauban), multiplie les activités. A la tête de cet ensemble, il est régulièrement invité dans de nombreux festivals prestigieux. En 2011 il fonde le Festival Passions Baroques à Montauban, ville où l’Orchestre est en résidence. Récemment encore directeur du Conservatoire de Montauban, il y a également enseigné la flûte à bec. Il se consacre avec bonheur au développement de l’ensemble qu’il a créé et dont la réputation ne cesse de croître. Au-delà du grand répertoire baroque (Bach, Haendel, Vivaldi…), Jean-Marc Andrieu s’attache à faire revivre des œuvres oubliées ou inédites et montre une âme de découvreur de partitions rares pour lesquelles il réalise un très important travail de restitution.
Avec son ensemble, il s’apprête à dévoiler au grand public une œuvre lyrique rare, Daphnis et Alcimadure, unique opéra connu composé sur un livret en occitan par un compositeur né à Narbonne, contemporain de Jean-Philippe Rameau, Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville. Jean-Marc Andrieu a bien voulu évoquer avec nous cette résurrection musicale importante.
Classictoulouse : Quel a été l’impact de la situation sanitaire sur l’activité des Passions ?
Jean-Marc Andrieu : Deux années très difficiles, comme pour tous les acteurs de la culture, diminution des concerts et des subventions, mais l’activité repart et nous sommes assez optimistes.
Comment a évolué votre situation personnelle vis-à-vis du Conservatoire de Montauban que vous avez longtemps dirigé et des activités musicales toulousaines ?
J-M A. : J’ai pris ma retraite de la direction du Conservatoire de Montauban le 1er janvier 2021, avec un sentiment de fierté : c’est un établissement réputé, et nous avons mené de nombreux projets artistiques. J’ai facilement tourné la page et me consacre maintenant aux Passions avec bonheur. Pour les activités toulousaines, j’ai accepté avec plaisir et honneur la proposition de succéder à Jan Willem Jansen à la direction artistique des Arts Renaissants ; j’ai rencontré une équipe formidable !
Qu’est-ce qui a motivé la création du festival Passions Baroques à Montauban ?
J-M A. : Nous avons constaté que la musique baroque était relativement peu représentée dans les nombreux festivals de notre région et que la Ville de Montauban, riche de son patrimoine, serait un lieu adéquat pour l’organisation d’une telle manifestation. Grâce à l’aide de nos partenaires, cet événement a pu naître, d’abord biennal, puis maintenant annuel pour le plus grand plaisir des mélomanes.
Quelles seront les principales manifestations de cette 8ème édition ?
J-M A. : Sans hésiter le concert principal sera la création de l’opéra en occitan Daphnis et Alcimadure de Mondonville le 1er octobre au Théâtre Olympe de Gouges à Montauban. Un événement à ne pas manquer, avec la possibilité de l’entendre au Théâtre du Capitole les 12 ou 13 octobre. Le thème du festival cette année est la Méditerranée.
Outre l’Orchestre Les Passions, quels en sont les principaux invités ?
J-M A. : Nous invitons le Chœur de Chambre Les éléments de Joël Suhubiette le 2 octobre (merveilleux programme Méditerranée Sacrée), puis Jean-Marc Aymes et son Concerto Soave le 7 (avec Maria-Christina Kiehr pour un fabuleux programme de Venise à la Palestine) ; enfin Pierre Hantaï le 9, génial claveciniste, viendra partager un hommage à son père Simon Hantaï dont les tableaux sont exposés à l’Abbaye de Beaulieu récemment restaurée.
Peut-on considérer que l’opéra occitan Daphnis et Alcimadure va occuper une place privilégiée ?
J-M A. : Absolument, c’est l’aboutissement de longues années de travail, de préparation, d’annulations, d’économies et de patience.
Quelles sont les principales spécificités de cette œuvre à (re)découvrir ?
J-M A. : Cette œuvre est surtout remarquable du fait qu’elle a été écrite en occitan, la langue natale du compositeur narbonnais Mondonville et des chanteurs qui l’ont créée. Elle reflète magnifiquement les sentiments humains en musique, tour à tour triste, gaie, humoristique, rythmée, mélodieuse… tout y est !
Le fait que le livret original soit en occitan a-t-il une influence sur l’écriture musicale ?
J-M A. : Certainement : la langue occitane, comme vous le savez, « chante » comme l’italien et la musique dans ses tournures mélodiques et rythmiques, est pour ainsi dire irriguée, nourrie par cette vocalité naturelle propre aux méridionaux. L’œuvre sera donnée en version concert, sur-titrée pour apprécier et réviser l’occitan.
Quels en sont les principaux interprètes ?
J-M A. : Le prologue est en français, à la gloire de Clémence Isaure, notre célèbre muse toulousaine. Elle sera interprétée par Hélène Le Corre. Les trois personnages de la pastorale sont la bergère Alcimadure (Elodie Fonnard, soprano), le berger Daphnis (François-Nicolas Geslot, haute-contre) et le frère d’Alcimadure, Janet (Fabien Hyon, ténor). Quatre artistes très talentueux, spécialistes de la musique baroque, guidés pour la prononciation par Muriel Batbie-Castell. Le chœur de chambre les éléments de Joël Suhubiette complète cette distribution de rêve. Et bien sûr notre bel orchestre Les Passions au grand complet.
Est-ce qu’un enregistrement discographique est prévu ?
J-M A. : Bien sûr ! Ce serait vraiment dommage de ne pas garder une trace de cet événement que beaucoup de mélomanes attendent. Une captation vidéo est prévue au Capitole.
Quels sont les autres grands projets de votre bel orchestre ?
J-M A. : Nous redonnerons l’année prochaine la Messe Assumpta est Maria de Marc-Antoine Charpentier, trésor de la musique sacrée française, à Sylvanès et à Bordeaux. En projet également la reprise de la Passion selon Saint-Jean de Bach. En 2024 nous allons recréer la Cantate de Charles Levens sur une Académie de musique à Toulouse. Et je m’intéresse toujours aux grands motets français du XVIIIème siècle : si les moyens sont présents, je vous promets des découvertes sensationnelles.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse