Cette Parisienne que l’on dit héritière de Germaine Lubin et de Régine Crespin chante sa première Isolde à 35 ans ! Sa voix de grand dramatique, puissante et homogène, la prédestine au Maître de Bayreuth. Christophe Ghristi l’invite dès sa prise de fonction pour le rôle-titre d’Ariane à Naxos de Richard Strauss puis pour chanter la Pénélope dans l’œuvre éponyme de Gabriel Fauré, ainsi que Madame Lidoine dans Dialogues des carmélites de Francis Poulenc. En 2021, il nous la présente dans l’un des plus écrasants rôles verdiens, celui de la Leonora de La Force du destin. Pour l’heure Christophe Ghristi lui offre, quasiment au pied levé (!), une prise de rôle incroyable, celui de la Sacristine dans la Jenůfa de Leoš Janáček. Beaucoup auraient refusé…
Classictoulouse : Quelle a été votre première réaction lorsque Christophe Ghristi vous a proposé, à peu près un mois avant la première représentation, de remplacer Angela Denoke dans le rôle de la Sacristine, rôle que vous n’aviez jamais chanté auparavant, en tchèque évidemment ?
Catherine Hunold : J’ai d’abord été très touchée que Christophe pense à moi pour la Kostelnička (la Sacristine) puis j’ai pris quelques heures pour lire le rôle et j’ai finalement accepté ce nouveau challenge.
Rôle capital pour ne pas dire principal de Jenůfa, il est hérissé de difficultés de tous ordres. Pouvez-vous nous en parler ?
CH : C’est un rôle en or qui fait frémir le public. Il est d’une grande difficulté car d’une intensité exceptionnelle tant vocale que théâtrale. La palette vocale est immense, passant du bas de la tessiture de contralto à de magnifiques phrases de soprano lyrique ou des éclats de soprano dramatique ! Il faut oser aller chercher les sons les plus rauques pour passer immédiatement à des lignes d’un grand lyrisme et d’une émotion torrentielle. Bref il y a tout dans ce rôle. C’est un cadeau !
N’est-ce pas avant tout un rôle d’une difficulté majeure dramatiquement, il y est quand même question d’un infanticide… En fait n’est-il pas éprouvant personnellement ?
CH : La Kostelnička est un des plus beaux rôles du répertoire, un des plus telluriques également ! Je ne sais pas encore s’il faut la dompter ou au contraire me laisser posséder par ce fauve lyrique pendant 3h. Tout cela est si soudain… Ce que je sais, c’est que je vis pleinement chaque moment en scène et qu’il ne peut en être autrement avec ce rôle.
Le public de Toulouse a un peu l’impression que Christophe Ghristi a créé virtuellement au Capitole une troupe, dont vous faites partie. Quelle est votre réflexion sur ce sujet, si l’on regarde ce qui se passe depuis longtemps en Allemagne par exemple ?
CH : Je pense intimement qu’il existe, comme dans la vie d’ailleurs, des familles artistiques dans lesquelles ou par lesquelles on évolue, on grandit… Pourquoi en serait-il autrement ? Je crois au lien avec une maison, ses équipes, son public. Il y a une dimension plus visionnaire dans cette « troupe virtuelle » souhaitée par son directeur que dans les troupes allemandes. On ne chante pas tout et n’importe quoi ! Il y a une réelle connaissance de l’humain derrière les choix artistiques de Christophe Ghristi. On est loin de l’idée d' »industrie musicale » prônée aujourd’hui où le chanteur, le musicien est un « produit » qui fera quelques saisons, on l’essaye, on le jette et on cherche la nouveauté parce qu’on croit attirer le public… Ça c’est une autre famille !
Aujourd’hui quels sont les rôles que vous allez aborder ou bien que vous aimeriez que l’on vous propose ?
CH : Il y en a encore beaucoup ! J’aimerais qu’on me propose à nouveau Kostelnička. Voilà enfin un rôle que je souhaite reprendre ! Et puis il y a tellement de rôles magnifiques à redécouvrir dans le répertoire français. Évidemment Didon et Cassandre des Troyens ! Vivant une partie du temps en Italie, je voudrais revenir sur ce répertoire qui m’a accompagnée pendant mes études. D’autre part, étant sollicitée à chaque production par mes jeunes collègues, je souhaite continuer cette transmission-partage qui me passionne depuis toujours peut-être en créant un institut dédié aux grandes voix françaises, pourquoi pas ?
Propos recueillis par Robert Pénavayre
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