Le Castor et Pollux de Jean-Philippe Rameau figure parmi les chefs-d’œuvre de la littérature lyrique baroque française. Après la dernière, et magnifique, production de l’Ensemble A bout de souffle : Anacréon et Actéon, il n’y avait pas de raison pour ne pas faire preuve d’ambition en la matière.
Voici donc la nouvelle production de Castor et Pollux, inscrite dans le programme d’Odyssud et donnée hors les murs, pour cause de travaux, à L’Aria de Cornebarrieu. Elle est signée pour la mise en scène de Patrick Abejean, complice de toujours de cet Ensemble. Dans des costumes tout ce qu’il y a de plus contemporains et urbains, la direction d’acteur s’attache à cerner la psychologie de chaque personnage et donne un élan essentiel au chœur, lui-même personnage à part entière du drame. Quelques nuages suffisent à rappeler la magnificence des mises en scène qui entourèrent les spectacles ramistes lors de leur création sous le règne de louis XIV.
La partition d’orchestre réalisée par Stéphane Delincak, directeur musical de cet Ensemble, nous donne à entendre un opéra légèrement réduit et écourté de scènes jugées non essentielles au déroulement de l’action. Si les parties chantées n’appartiennent pas aux pyrotechnies qui feront la gloire du bel canto transalpin, elles n’en demeurent pas moins d’une grande difficulté stylistique. Saluons donc comme il convient tout le travail des solistes quant à leur approche rigoureuse de la prosodie vocale ramélienne. Il en est ainsi de François Pardailhé, haute-contre au timbre d’un métal solaire même si parfois agressif dans le haut du registre, Renaud Bres est un Pollux formidablement engagé scéniquement tout comme la Phébé de Cécile Piovan. Armelle Marq incarne une Télaïre d’une grande sensibilité. Amandine Bontemps trouve dans ses trois rôles (Cléone/une suivante d’Hébé/une ombre) matière à faire briller un soprano cristallin d’une belle tenue. Yves Boudier, Jupiter débonnaire, complète cette distribution.
Le Chœur A bout de souffle, fort de quarante éléments, tire remarquablement son épingle du jeu par une précision exemplaire, des sonorités d’une parfaite rondeur et de belles couleurs. L’Orchestre baroque A bout de souffle, sous la direction attentive, passionnée, savante aussi de Stéphane Delincak, accompagne cette tragédie lyrique dans un tourbillon qui ne faiblit jamais, dynamique, puissant et formidablement émouvant. Et il fallait bien tout l’engagement de ces artistes car l’acoustique très mate de cette salle ne les avantageait pas spécialement.
Ce spectacle doit partir en tournée sous un format dit resserré. Souhaitons-lui tout le succès qu’il mérite.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse