Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, le film Entre les vagues révèle Anaïs Volpé, une jeune cinéaste toulousaine – écoutez le son de ma fierté tinter ici – et un duo d’actrices qui jouent les actrices avec un naturel déconcertant : deux apprenties théâtreuses – Souheila Yacoub (Margot) et Déborah Lukumuena ( Alma) – qui avait excellé dans Divines – mènent la danse. L’une est choisie pour interpréter le rôle principal d’une pièce, l’autre pour faire sa doublure, mais sans rancune et sans jalousie. Au cours de répétitions, le main character tombera et offrira malgré elle à l’autre l’opportunité de briller.
Le rythme du long-métrage est effréné, le montage saccadé, on court, sans inspirer, sans expirer, on se laisse convaincre par le lien puissant qui unit Margot et Alma et, milieu, âge, ville mis à part, on s’identifie forcément quelque part en tant que femmes, en tant que soeurs, en tant qu’amies pour la vie, dans un fou-rire, une douleur, une vengeance, une chute. C’est vrai. C’est fouillé. C’est tendre. La direction des acteurs est impeccable d’ailleurs, on croit au tandem, on aimerait se mettre entre elles et leur attraper le bras pour courir dans les rues de Paris, se blottir contre Alma, demander à Margot de nous prêter son pull brodé vintage. Les personnages existent.
Filmé à la hâte dans les rues confinées de Paris avec la rarissime Digital Bolex pour un rendu de 16 mm, « Entre les vagues » est intense. On manque presque de temps. On est happé. Peut-être pour ne pas laisser le film sombrer dans une intention larmoyante – la maladie d’Alma venant rompre la belle relation des amiesoeurs – le film va vite – trop vite ? – les séquences se bousculent. On passe véritablement d’un éclat de rire impossible à retenir à un roulis de larmes simultané sur les deux joues.
C’est beau. C’est poignant. C’est écrit. C’est du joli cinéma. C’est plein de promesses.
Alors oui, peut-être que quelquefois on aimerait bien en voir un peu plus, aller un peu plus loin, rire plus fort, pleurer plus longtemps, ne pas se sentir privé de glisser « entre les vagues » de nos émotions. Bien sûr, le pathos menace, la cinéaste pourrait très vite nous noyer dans les larmes, mais il nous manque juste quelques minutes de plus pour la scène d’amour douloureuse où la lumière est sublime, quelques secondes de rab pour voir s’extérioriser la douleur furieuse de Margot qui refuse la séparation inévitable, quelque pause minuscule encore sur la peau d’Alma au milieu des fleurs afin de la pleurer un tout petit peu plus longtemps.
Une question de dosage.
Une question de respiration.
Un film qui fait du bien.
Un film à voir du 16 au 29/03/2022 à L’ American Cosmograph