CRITIQUE. OPERA. TOULOUSE.THEATRE DU CAPITOLE, le 29 Janvier 2022. G. BIZET: CARMEN. J.L. GRINDA. E. ZAÏCIK. M.FABIANO. O.N. CAPITOLE. G. CARELLA.
CARMEN au Capitole envers et contre tout !
Cette reprise de la production de 2018 classique et consensuelle est jouée à guichet fermé depuis des semaines. Les huit représentations prévues avec deux distributions auraient pu se passer sans surprises mais les effets de la panique sanitaire avec son lot de règlements, de tests et d’évictions a complètement changé la donne. La direction du théâtre a su s’adapter à cette forme d’adversité avec panache. C’est ainsi que le 29 janvier le public conquis a bénéficié d’une troisième distribution inédite. Rendons un vibrant hommage d’abord aux artistes qui ont dû quitter la production après des mois de répétitions et surtout aux très courageux artistes qui afin de sauver la représentation ont su endosser les costumes de rôles majeurs. Le chœur et l’orchestre ont fait face à des effectifs réduits sans rien lâcher sur la qualité de leur interprétation. La production avait déjà été critiquée en 2018 nous n’y reviendrons pas, son classicisme et son ton consensuel restent de bon aloi. La direction a dû trouver en 48h un Don José… Le ténor américain Michael Fabiano qui venait de répéter le rôle à Bruxelles et n’avait pu l’interpréter en public comme prévu, a répondu présent et en sautant dans trois avions successifs est arrivé dans le ville rose. En 24 h il a répété et appris les éléments de la production. Sachant l’importance du rôle, ses interactions avec Carmen comme Micaëla et Escamillo également nouveaux arrivants, le résultat est confondant. Nous ne pouvons apprécier les interactions avec les partenaires avec les mêmes exigences que celles après un long travail en commun. Michael Fabiano est un Don José crédible et intéressant. La voix est puissante, bien conduite et le timbre est séduisant. Les nuances sont finement maitrisées dans la fin de l’air de la fleur utilisant très habilement une voix de tête suave. Le jeu assez subtil dans la mise en lumière de la faiblesse psychologique du personnage n’a pas trouvé dans ses partenaire la même richesse. La Carmen d’Eva Zaïcik a également dû s’adapter à un Don José avec qui elle n’avait pas répété, étant privée de son partenaire Amadi Lagha. C’est à cela que nous lui attribuons une certaine prudence scénique. La voix de la mezzo française, révélation lyrique des Victoires de la musique classique 2018, est claire et homogène. L’émission est élégante, le timbre agréable, les nuances sont subtiles. La qualité de sa voix se marie bien avec la sobriété de son jeu. Désinvolte dans les deux premiers actes son personnage gagne en profondeur et la voix en couleurs plus sombres à partir du trio des cartes.
Anaïs Constans a répondu présente pour chanter sa délicieuse Micaëla. C’est elle qui faisait partie de la production de 2018. Son interprétation a gagné en maturité et son jeu en profondeur. La plénitude sonore de son air des contrebandiers a été magnifique. En Escamillo c’est Pierre-Yves Pruvot qui a répondu présent. Le rôle tombe à la perfection dans la voix du baryton français et scéniquement il semble très à l’aise. Le timbre n’a peut-être pas toute la séduction et la rondeur que certains y mettent mais le ton est très convaincant. Le Toulousain Julien Veronèse est un Zuniga de grand luxe. Quand à Marie-Bénédicte Souquet en Frasquitta son aisance vocale et scénique sont remarquables dans un tel contexte. On le reconnaît donc facilement cette distribution a été tout à fait élégante et bien chantante et ne peut être critiquée sur l’aspect scénique. Bravo aux artistes qui ont su relever le gant et à la direction qui a su dans une vitesse record engager des artistes de cette trempe. Le public leur a fait un triomphe, et tout particulièrement au ténor Michael Fabiano.
L’orchestre du Capitole n’a pas démérité dans les conditions si défavorables, avec toujours des bois si expressifs. La direction de Giuliano Carella est avant tout efficace et ce soir n’a pas semblé chercher de subtilités particulières. Le chœur et la maitrise, eux aussi en effectifs allégés, et tous masqués, ont mis en danger leurs voix sans compter leurs efforts. Remarquons que la danseuse solo, Cloé David, elle aussi masquée, a su garder à sa chorégraphie la passion hispanique.
Le coronavirus a été vaincu et Carmen a pu lancer son message de liberté avec force. Tout au plus un humour inattendu m’a saisi lors du chœur des cigarières fumant avec leurs masques. Et ce contraste involontaire entre le chœur représentant le peuple soumis aux masques et les solistes totalement libres n’est pas sans saveur politique.
Carmen est bien l’opéra de la liberté ! Bravo, bravo !!!
Critique. Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 29 Janvier 2022. Georges Bizet (1838-1875) : Carmen, opéra-comique en quatre actes. Livret d’Henry Meilhac et Ludovic Halévy. Mise en scène : Jean-Louis Grinda ; Décors, costumes : Rudy Sabounghi ; Costumes : Françoise Raybaud Pace ; lumières : Laurent Castaingt ; Vidéos : Gabriel Grinda ; Mouvements chorégraphiques : Eugénie Andrin . Avec : Eva Zaïcik, Carmen ; Michael Fabiano, Don José ; Pierre-Yves Pruvot, Escamillo ; Anaïs Constans, Micaëla ; Julien Veronèse, Zuniga ; Victor Sicard, Morales ; Marie-Bénédicte Souquet, Frasquita ; Marion Lebègue, Mercédès ; Olivier Grand, Le Dancaïre ; Paco Garcia, Le Remendado ; Franck T’Hézan, Lilas Pastia ; Cloé David, Danseuse ; Chœur et Maitrise du Théâtre du Capitole ; Orchestre National du Capitole. Direction Musicale : Giuliano Carella.