En attendant Bojangles un film de Régis Roinsard
Pour son troisième long, le cinéaste Régis Roinsard, à qui nous devons déjà Populaire (2012) et Les Traducteurs (2020), nous entraîne à la suite d’une poignée de comédiens de grands talents dans une lente course à l’abîme sur les chemins de la folie. Saisissant !
Années 50 du siècle dernier. Nous faisons la connaissance de Georges (Romain Duris) lors d’une garden party sur la Riviera consacrée aux grandes réussites. Se faisant passer tour à tour pour un descendant de Dracula et autres excentricités de ce genre, nous comprenons rapidement que d’une part, il n’a pas sa place dans ce cénacle et que d’autre part, il flirte sérieusement avec la mythomanie. C’est là également que nous rencontrons celui qui va dorénavant être appelé L’Ordure (Grégory Gadebois), véritable homme d’influence dans les milieux de la politique et richissime personnage. C’est lui qui a convié à cette fête Camille (Virginie Efira), belle jeune femme dont il est amoureux. Sauf que voilà Georges et Camille qui croisent leurs regards en même temps qu’une multitude de coupes de champagne. C’est le coup de foudre. Neuf mois après s’être marié en solo dans une chapelle trouvée sur une route déserte, voici qu’arrive un petit Gary (Solan Machado-Graner). La vie est belle, même si le couple ne règle pas systématiquement ses factures… Une vie remplie de fêtes et de danses. Seul moyen pour Camille de rester à flot… Georges va comprendre un soir que, dans la tête de sa bien-aimée se cache un ennemi invisible mais puissant. La descente aux enfers peut commencer.
Cette adaptation relativement fidèle d’un immense succès en librairie sous le titre éponyme signé Olivier Bourdeaut (2016) nous vaut l’un des meilleurs films à l’affiche du moment. Un quatuor de comédiens illumine littéralement ce film de leurs talents divers. Il en est ainsi de Virginie Efira qui range ici définitivement au rang des accessoires son statut de bimbo magnifique pour nous prouver la profondeur de son talent. Le Georges de Romain Duris n’est pas à vrai dire une surprise tant cet acteur, habile funambule, maîtrise les situations les plus opposées, passant du rire aux larmes avec une stupéfiante rapidité. Il y a aussi Grégory Gadebois, ici affublé du sobriquet peu enviable de L’Ordure. Et pourtant, que de douceur dans le regard de ce géant, que d’empathie vers ce couple et cet enfant dont il pressent l’inéluctable destin. Un très grand acteur, nous le savons.
Dans le rôle de Gary, et choisi parmi un millier d’enfants, voici Solan Machado-Graner, une pépite de comédien en herbe, toujours juste y compris avec Mademoiselle Superfétatoire, sorte d’échassier apprivoisé dont la présence permanente ici flirte avec un surréalisme aussi poétique qu’élégant, repoussant jusqu’aux limites infranchissables l’ennemie invisible. Porté par une mise en scène éblouissante de virtuosité et des acteurs simplement parfaits, En attendant Bojangles vous étourdira jusqu’au cataclysme final. Danser sur un volcan n’est jamais sans risque…
Virginie Efira – Changement de registre
D’abord comédienne puis animatrice de télévision sur ses terres natales belges, Virginie passe la frontière et vient travailler en France dans le même registre. Heureusement pour nous, elle quitte le métier en 2008, à peine trentenaire, pour se consacrer à sa passion première, la comédie. Recherchée comme doublure dans les dessins animés, elle ne tarde pas à convaincre les réalisateurs de son talent et, de séries télévisées en téléfilms, un premier long métrage lui ouvre les bras (Les Barons – 2010). C’est le début d’une carrière plus que prometteuse dans laquelle Virginie Efira passe actuellement avec virtuosité de la comédie au drame.