On est fait pour s’entendre un film de Pascal Elbé
Sur un thème qui lui est personnellement connu, celui de la malentendance, Pascal Elbé signe, pour son troisième opus, une comédie délicieusement romantique, d’une élégance rare et profondément émouvante.
Scénariste, acteur et réalisateur, Pascal Elbé se livre ici, sans que pour autant ce soit une thérapie personnelle, sur un handicap qu’il connaît depuis plusieurs années : la malentendance. C’est à la lecture du roman de l’écrivain britannique David Lodge, La vie en sourdine (2008), que l’idée lui est venue de cette comédie autour du sujet. Et qui mieux que lui pouvait en parler, avec toute l’authenticité, la sensibilité et la justesse de ton que nous lui connaissons ? Il nous met pour ce faire dans les pas d’Antoine (Pascal Elbé évidemment, et toujours parfait), professeur dans un lycée. Celui-ci n’accepte pas sa surdité. Dans ce déni il met ses élèves en rébellion, mais aussi sa voisine du dessous, Claire, une veuve de son âge (Sandrine Kiberlain), maman d’une petite fille, Violette, devenue mutique depuis la disparition de son papa. En rébellion car Antoine n’entend plus son réveille-matin pourtant particulièrement sonore, sans oublier la musique jouée à fond en permanence !
En rébellion aussi sa copine qui ne comprend plus ses réactions. Antoine finit par consulter. Le verdict est sans appel, il faut appareiller. Or, le monde est fait de telle manière que si les lunettes sont devenues des objets sinon de luxe (quoi que…), du moins en aucun cas des sujets à plaisanteries douteuses et à remarques cinglantes, l’appareil auditif est lié au vieillissement. Le regard porté devient alors terriblement négatif. Et pourtant… C’est avec un infinie tendresse que Pascal Elbé aborde ce sujet. Il en fait une comédie très drôle mais aussi très caustique car les gaffes qui lui sont liées font rire, contrairement à celles dues à la cécité, même partielle. Et- alors que ce handicap s’étend à une vitesse vertigineuse dans la population, les chiffres sont alarmants, il demeure de moins en moins accepté et donc corrigé. Comme toute bonne comédie qui respecte les lois du genre, Antoine et Claire finiront par « s’entendre » et Antoine redeviendra un professeur à l’écoute de ses élèves et de la vie plus simplement.
Des seconds rôles formidablement attachants occupent cette histoire, en particulier François Berléand en copain attentif et presque salvateur, Marthe Villalonga en maman un brin désorientée mais tellement émouvante, Emmanuelle Devos en frangine un rien toxique mais toujours aussi juste, sans oublier la petite Manon Lemoine, Violette, celle qui découvrira le « secret » d’Antoine. Il faut avoir beaucoup de savoir-faire et d’élégance pour réaliser pareil film en parlant en creux, mais vraiment en creux, de soi-même. C’est le pari gagné de Pascal Elbé.
Pascal Elbé – Entre comédie et drame, toujours aussi pertinent
Issu d’une famille juive originaire d’Algérie, c’est tout jeune que Pascal foule les planches théâtrales. En 1985, il a alors 28 ans, Pascal Elbé intègre le monde du 7è art, se spécialisant dans un premier temps dans le registre comique. La suite de sa carrière nous montre combien d’autres emplois lui conviennent tout aussi parfaitement. Producteur, scénariste, dialoguiste, réalisateur et, surtout acteur, Pascal Elbé, de part une personnalité attachante et un jeu d’une profonde authenticité et d’une grande sensibilité, appartient à cette catégorie d’acteur qui honore le cinéma avec une passionnante conviction.