Le Toulouse Wind Orchestra, a enfin pu retrouver le chemin du public les 27 et 28 octobre derniers avec un nouveau programme musical original et festif. Placé sous la direction de Rémi Durupt, avec la participation de la Compagnie de danse Humanum et de la chorégraphe Léa Pérat, la jeune formation toulousaine a encore progressé dans l’exploration des répertoires exigeants et les plus divers.
Fondé en 2015 afin de fédérer les talents toulousains (et ils sont nombreux) en matière de pratique musicale « populaire » au sens noble du terme, le Toulouse Wind Orchestra (TWO pour les familiers), est un véritable orchestre symphonique d’instruments à vent. Il rassemble ainsi plus de 80 musiciens, membres d’orchestres prestigieux tels que l’Orchestre de la Suisse Romande, l’Orchestre national du Capitole de Toulouse ou l’Orchestre National de Lyon, mais également des musiciens d’orchestres militaires (Musique des Parachutistes de Balma, Musique des Forces Aériennes de Bordeaux, Garde Républicaine), des enseignants de conservatoires et écoles de musique ou encore des musiciens s’illustrant sur les grandes scènes de musique actuelle en France ou à l’étranger.
Ce 27 octobre, les derniers spectateurs ont du mal à trouver un siège libre dans un auditorium Saint-Pierre des Cuisines bondé. Familles et enfants représentent une part importante du public. Parmi les quelques 80 musiciens qui occupent la totalité du plateau de la salle, les habitués des concerts de l’Orchestre national du Capitole remarquent la présence de nombreux musiciens de la formation symphonique toulousaine dans les rangs du TWO, aux côtés d’autres membres de phalanges prestigieuses et de jeunes instrumentistes visiblement motivés par l’engagement de tous.
Ce soir-là, l’orchestre est dirigé par Rémi Durupt, un chef de grand talent récompensé par un Premier Prix au Concours de direction Antal Dorati à Budapest en septembre 2021 ainsi qu’au Concours International Giancarlo Facchinetti à Brescia en 2018. Passionné par la musique des XXème et XXIème siècles peut-être du fait de sa formation initiale de percussionniste, Rémi Durupt dirige ici un programme à la fois novateur et exigeant. Ainsi, le concert s’ouvre sur une œuvre de la compositrice française Ida Gotkovski, le Poème du feu, qui date de 1978, écrit spécifiquement pour orchestre d’harmonie, sans instrument à cordes. Cette pièce volcanique et contrastée se caractérise par d’impressionnantes explosions sonores qui emplissent l’auditorium de ses riches sonorités.
L’œuvre suivante, intitulée The Frozen Cathedral, du jeune compositeur américain John Mackey, est une partition composée à la mémoire du fils d’un ami qui était fasciné par l’Alaska, d’où le sujet et le nom de la pièce. Les contrebasses se joignent aux instruments à vent dans une sorte de magie sonore étonnante d’une grande séduction presque impressionniste. Des images contrastées sont ainsi offertes, parfois grâce à un étrange instrumentarium, notamment percussif, comme ce mystérieux « waterphone » aux sonorités liquides. Couleurs et poésie caractérisent cette belle pièce.
Le dispositif scénique de l’auditorium se transforme pour la seconde partie de la soirée avec l’apparition d’un proscénium à l’arrière duquel l’orchestre se « tasse » un peu. Il s’agit d’offrir un espace à quatre danseurs de la Compagnie de danse Humanum. Ce valeureux quatuor vient illustrer une transcription pour orchestre d’instruments à vent de Bruno Peterschmitt du toujours révolutionnaire Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky. Cette excellente transcription conserve à l’œuvre tous ses caractères tour à tour telluriques et poétiques. Les contrebasses et violoncelles qui rejoignent la grande formation lui confèrent la séduction d’un certain velouté. La direction de Rémi Durupt, précise, structurée et néanmoins imprégnée d’une ferveur communicative obtient de chaque pupitre de l’orchestre le meilleur engagement.
L’œuvre symphonique et chorégraphique prend astucieusement ici le nom symbolique de S.A.C.R.E., pour « Société Ancestrale Célébrant les Ressources et les Éléments ». Sur la partition incandescente de Stravinsky, les chorégraphes et danseurs Léa Pérat et David Mazon Fierro, rejoints par les danseuses Virginie Baïet-Dartigalongue et Frida Ocampo imaginent un plaidoyer pour la Terre. La profession de foi de cette interprétation s’énonce ainsi : « Puisque les hommes sacrifient la Terre pourquoi la Terre ne sacrifierait-elle pas l’H(h)omme ? ». Les seuls accessoires de cet engagement volontariste sont des balles de paille qui subissent de la part des acteurs des assauts destructeurs habilement calés sur les déchaînements de la partition. Impressionnante vision que les acteurs de ce psychodrame mènent à son terme avec conviction. Un soin particulier au traitement des lumières joue également un rôle essentiel.
Cette belle performance, chaleureusement acclamée par le public, prolonge encore ce dialogue chorégraphique et musical. Sur la célèbre partition de Camille Saint-Saëns, La Danse macabre, les danseurs et la violoniste soliste, habilement grimés comme de phosphorescents squelettes, entament une farandole frénétique qui fait la joie du public et en particulier des enfants, fascinés par ce spectacle.
Répétée le 28 octobre, cette performance novatrice ouvre encore les possibilités de convergence entre les arts de la scène.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse