Mise en place en 2019, Rouge Tanin est une société de production de vin toulousaine où la femme est mise à l’honneur. De la récolte à la vente en passant par la production, les femmes sont aux commandes. Maguelone Pontier, présidente de la société Rouge Tanin, a accepté de nous en dire plus.
Culture 31 – Margaux Gallique : Comment est née cette société ?
Maguelone Pontier : Je suis fille d’agriculteurs, et au moment de la retraite de mes parents, la question de la reprise des terres s’est posée. Or, si les enfants ne reprennent pas les terres, cela signifie la vente de l’exploitation, ce qui était pour moi impossible. On a donc décidé de mettre en place ce projet, qui est un peu un compromis : mettre un fermier sur la partie céréale de mes parents, et parallèlement racheter des vignes de notre côté. Le fermier s’occupe donc d’entretenir les vignes, comme ça, ça m’aide. Je me suis associée avec la femme de ce fermier, qui s’appelle Céline, qui est donc mon associée dans Rouge Tanin, et qui, elle aussi, est viticultrice, elle a une cave particulière. Donc en gros elle, elle s’occupe de vinifier mes vignes et les siennes et moi je vends le vin de tout le monde. C’est donc une affaire très familiale.
Comment la société Rouge Tanin fonctionne-t-elle ?
On a initié cette entreprise il y a deux ans, c’est une belle boite qui est petite et qui a vocation à rester petite, l’idée étant de travailler surtout entre filles, même s’il y a mon père qui m’a rejoint cette année. On décide donc de ce qu’on plante, de la manière de vinifier, et de notre marketing. Marketing qui reste très féminin, pas du tout basé sur les châteaux. On a voulu faire quelque chose d’assez simple et épuré, qui nous ressemble.
Ce sont de très jolis vins. On est en appellation Languedoc et sur un des deux rouges on est en Grés-de-Montpellier, qui est un grand vin du Languedoc. On est donc sur des cépages typiques de chez moi, mais avec des vins très bien vinifiés. On est en mode de production est certifié Haute Valeur Environnementale. Donc 80% des vignes ne boivent pas d’intrants, on utilise la confusion sexuelle au lieu de traiter, les cartons sont recyclés, les bouteilles sont allégées de 30% et on n’a pas de contre-étiquettes. On essaye de travailler très convenablement, on a des petits rendements mais très qualitatifs.
On travaille surtout avec la restauration et les entreprises, et très peu de particuliers. Le but aussi étant de faire connaître nos cépages et nos vins. Car les vins de l’Hérault sont très peu connus et n’ont pas une très bonne réputation, donc le but aussi c’était d’aller valoriser les appellations et le vin héraultais à Toulouse, parce que c’est un très bon vin qui a progressé en 15 ans.
Donc globalement c’est vraiment une production locale pour un marché local, je travaille surtout à Toulouse. Le but du jeu c’est d’aller tailler avec mes parents et garder ce côté entreprise familiale. L’objectif était de valoriser ma famille, mon territoire et d’assumer un vin très féminin.
Il n’y a donc pas de projet d’agrandir l’exploitation ?
Là on va replanter 5 hectares de vignes. Moi j’ai 6 hectares mon associée en a 18. Mais non on n’a pas vocation à s’élargir plus. Je fais ce travail parce que ça me plaît et que ça me tient à cœur de garder un lien fort avec ma famille et avec le vin. Après je n’ai pas du tout de vocation expansionniste.
Le monde viticole étant encore un monde assez sexiste, est-ce que vous avez rencontré des difficultés dans le développement de cette société ?
Non, parce que, je ne sais pas si vous avez vu le marketing, mais il est hyper féminin, limite provoquant avec des cuvées qui s’appellent Botte Jarretelle. Et j’en joue beaucoup, donc j’ai pris un coup d’avance sur les remarques éventuelles des machistes du milieu.
Les femmes qui font du vin, il y en a. Il existe une association qui s’appelle Ladies Wine, je suis au bureau. Il y a beaucoup de femmes dans le vin aujourd’hui, mais c’est vrai que moi j’ai envie d’être une femme dans le vin et une femme qui s’assume en tant que femme. C’est-à-dire je peux très bien faire un marketing féminin, assumer que les femmes boivent du vin. Il faut savoir quand même que l’immense majorité du vin s’achète en grande distribution où l’immense majorité des clients sont des femmes. Donc de toute façon faire du vin qui est destiné uniquement à des hommes au niveau du marketing, c’est aberrant parce que ce ne sont pas eux qui achètent. Il y a un fantasme qui dit que le vin est masculin, en l’occurrence non, parce que c’est Madame qui achète le vin, parce que c’est elle qui se tape toutes les courses.
Donc on peut faire un marketing féminin, avoir du très bon vin, très qualitatif, avec de la finesse. Je n’ai pas envie de faire croire que je suis un homme, ou une femme qui fait semblant d’être un homme dans un milieu d’homme. Je suis très fille, c’est pour ça que sur les bouteilles il y a des talons. Je pense qu’on peut très bien être agricultrice et féminine, avoir plein de vies dans sa vie.
Pour terminer, quels sont vos objectifs pour 2021 ?
Déjà on va planter du Chardonnay, du Viognier et du Muscat. Et après on va essayer d’élargir notre portefeuille client dans nos restaurants, nos entreprises toulousaines tout simplement. C’est un travail assez long. Et puis essayer de changer l’image de ce vin qui se prend vraiment au sérieux, on peut aussi avoir une communication et un positionnement décalé en faisant de la très grande qualité. Parce qu’on a souvent vu de grands châteaux aux étiquettes très sobres, qui faisaient de la très haute qualité. Avec en opposition, le « rosé piscine » avec un marketing très léger et une qualité qui n’est pas au rendez-vous. Je pense qu’on peut faire, comme Michel Augustin l’a fait pour la biscuiterie, un marketing décalé et en même temps avoir une conduite hyper écologique et responsable au niveau de la production et en faisant de la très haute qualité, ce n’est pas incompatible.
Propos recueillis par Margaux Gallique
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