Compte rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans, le 7 Août 2020.
Intégrale des 32 sonates de Ludwig Van BEETHOVEN (1770-1827).
Nicholas Angelich ; Emmanuel Strosser ; Jean-Efflam Bavouzet.; Yiheng Wang.
Troisième concert Auditorium du Parc 21 h. Sonates 12 ; 13 ; 14 ; 15 ; 16.
L’expérimentation de la forme et du fond.
Le soir la magie de La Roque opère en plein. L’air est doux, les cigales se font plus discrètes, la nuit tombe délicieusement sous les larges frondaisons.
Nicholas Angelich, de sa démarche si particulière entre en scène et calmement, posément se lance dans la douzième sonate qui débute avec un andante et variations. Il semble se délecter de les déplier tour à tour, sans se presser comme s’il expérimentait lui même le procédé. C’est ainsi que devient pour moi l’évidence de cette écoute chronologique des sonates. Beethoven expérimente la forme et s‘autorise des essais très variés. Ainsi de ces variations, mais également la marche funèbre du troisième mouvement. Sonate expérimentale qui semble faire les délices de Nicholas Angelich.
L’arrivée de Jean-Efflam Bavouzet est bien différente. Le fringant pianiste semble décidé à nous convaincre de sa fougue et se lance dans une interprétation fulgurante de la treizième sonate. C’est spectaculaire, très rapide ou très lent, très fort ou très doux. Il peut tout faire mais c’est la manière qui devient prévisible. Tout sert à démontrer sa virtuosité. Ce jeu brillant plait à une partie du public.
L’arrivée du pianiste chinois Yiheng Wang est remarquable. Souple et lourd comme un sumo il prend tout son temps pour saluer et s’installer au piano. Très concentré il débute la fameuse sonate « Au clair de lune » que bien des amateurs peuvent jouer. Le legato est bien conduit, le son est rond, les nuances bien dosées. Tout est bien réalisé. L’allegretto avance avec facilité, le jeu est fluide. Et le final, qu’aucun amateur ne peut jouer, fuse sous ses doigts agiles. Le jeu de ce jeune homme de 24 ans est spectaculaire. L’ expression de sentiments et l’évocation lunaire, c’est autre chose.
Emmanuel Strosser n’a pas de mal à nous convaincre qu’il est le plus merveilleux ce soir. Avec la quinzième sonate dite « la pastorale » puis la seizième appelée « la boîteuse » en France, il brosse un portrait complet du génie pianistique de Beethoven. Sérieux et profond puis d’un humour inhabituel mais savoureux. Le jeu est apollinien, il semble faire ce qu’il veut de son instrument, le son est puissant sans dureté. Les couleurs sont variées et toutes superbes. Son jeu est d’une grande évidence. La soirée se termine sur ce délicieux sentiment d’écouter la plus belle interprétation qui soit, dans un lieu idéal.
Nous sommes en une journée et trois concerts au mitan du marathon.