Jessica L. Nelson publie Brillant comme une larme chez Albin Michel et dresse un portrait remarquable de l’enfant prodige de la littérature, Raymond Radiguet.
Raymond a 14 ans, il vit à Saint-Maur et est l’aîné d’une fratrie de 7 enfants. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce garçon est différent. Fougueux, espiègle, rêveur et divinement intelligent. Sur les bancs de l’école, il s’ennuie. Raymond veut voir le monde, faire partie de l’agitation, vivre de grandes choses. Alors il fait l’école buissonnière pour se rendre à paris. Là-bas, il rêve de rencontrer les auteurs qu’il vénère. Parmi eux Apollinaire. Mais Raymond a aussi d’autres projets, l’amour. L’institutrice du village devient l’objet de son désir. Elle a dix ans de plus que lui et doit bientôt se marier avec un soldat parti sur le front, mais rien ne freine l’appétit grandissant de Raymond. L’institutrice, il veut la séduire.
Le diable au corps
Jessica L. Nelson nous embarque dès lors dans une ballade sensuelle et interdite qui fera écho au premier roman de Radiguet, Le Diable au corps. Dans ce texte, l’auteur précoce y racontera son aventure adolescente. Mais ne brûlons pas les étapes. Raymond a encore du chemin à faire avant d’en arriver à la consécration.
Tel un héros de roman, Radiguet doit gravir les marches une à une. D’abord rencontrer le beau monde parisien, devenir la coqueluche de quelques-uns, en agacer d’autres, écrire pour des revues, faire de la poésie. Rien n’arrête l’ambition de Raymond qui brûle la chandelle par les deux bouts. Puis c’est la deuxième rencontre importante de sa vie : Cocteau. L’écrivain déjà très connu des cercles littéraires s’éprend littéralement de cet étrange jeune homme. Peu importe ses excès et insolences, il le prend sous son aile, il en est sûr, Radiguet est un génie en devenir.
Le roman débute comme une douce ballade sensuelle et devient, dans la deuxième partie, une course folle afin de rattraper une vie qui sera – hélas – trop courte. Sous la plume de Jessica L. Nelson renaissent tous les rêves d’une adolescence brillante, fugace. On y retrouve l’insouciance des premières heures et les doutes de l’artiste. C’est aussi toute une époque lointaine qui renait sous nos yeux. Les bars bruyants et enfumés où se croisent Cocteau, Picasso, Max Jacob, Coco Chanel, etc. Un monde artistique en pleine ébullition qui veut recréer le monde au sortir de la première guerre mondiale.
On ne s’ennuie pas une seule seconde à la lecture de Brillant comme une larme. Le livre éveille tous nos capteurs sensoriels pour entendre, respirer, toucher un passé disparu qui nous a laissé un grand génie, Raymond Radiguet.
Jessica L. Nelson, Brillant comme une larme, Albin Michel, 320 p.
Photo : Jessica L. Nelson © Francesca Mantovani.