Par Irène Finkel, chroniqueuse radio sur Esprit Occitanie
C’est un peu étrange pour moi de faire cette interview par téléphone alors que j’ai l’habitude de voir Karine presque tous les jours. J’ai eu la chance d’être la marraine du tome 1 de Sœurs dont le sous-titre est Tsipora, le prénom de la sœur aînée. J’ai été l’une des premières avec le cercle restreint des lectrices à parcourir les pages du tome 2, Ylana, mon personnage préféré peut-être, et je suis ravie de poser à l’auteure certaines questions qui me taraudent, surtout ces jours-ci où l’on a mille fois le temps de penser et repenser aux choses qui nous ont plu ou déplu.
Mon ressenti sur ce second opus ? Une affaire de style, d’écriture principalement, d’émotions profondes. Le 1 permet de partir à la découverte de cette famille, de l’entourage, de l’univers dans lequel chacune évolue. C’est gai, c’est tendre, c’est vivant. L’écriture est fluide et une chose mérite particulièrement d’être soulignée, la précision des notes explicatives sur les coutumes, les fêtes juives et les pratiques cultuelles qui facilitent la compréhension pour les non initiés. Dans ce premier volume, j’étais dans un film avec un scénario bien rôdé, un livre écrit comme s’il avait déjà envie d’être adapté à l’écran. Il n’en a pas été de même avec le tome 2. C’est un livre, un vrai roman, de la littérature. J’ai beaucoup ri avec le 1 entre les mains, j’ai passé la lecture du 2 au bord des larmes. J’ai suivi pas à pas l’évolution de l’écriture arrivée à maturité d’une jeune femme qui semble avoir déjà vécu mille vies. On peut s’identifier. On s’identifie, à un ou à plusieurs personnages. Ce qui m’amène donc à ma première question.
IF : Karine, serais-tu à toi toute seule un peu de chaque sœur ?
KS : Sans aucun doute, même si je me reconnais davantage en Léna et Tsipora. J’ai toujours eu l’impression d’être plurale. Mais je puise mon inspiration en observant à la dérobée toutes les femmes qui gravitent autour de moi. Je me demande ce qui me fait envie chez chacune. Un minuscule détail observé le temps d’un trajet en bus peut déclencher la construction d’un personnage.
IF : Petite question d’actualité, comment en tant qu’auteure vis-tu cette période de confinement ?
Arrives-tu à te dégager du temps pour l’écriture ?
J’ai rarement été aussi disposée ! J’écris avec une régularité de métronome en m’isolant dans mon bureau. Le matin je fais une chronique sur mes réseaux sociaux pour partager avec les gens mon expérience du confinement – j’adore ce rapport immédiat avec les gens – puis je m’attelle à l’écriture, mes piges, mes romans. J’ai toujours plusieurs projets en cours et j’écris souvent la nuit. Ecrire ? Dormir ? Mon choix sera le même. Je suis une écrivaine noctambule.
IF : La cuisine est encore dans ce tome 2 au centre de l’action, comme un leitmotiv. Comment expliques-tu ce motif répétitif ?
Qu’il s’agisse de la pièce ou de la discipline, la cuisine est fédératrice. Elle réunit les gens. Deux politiciens d’un parti opposé peuvent déguster le même plat dans un dîner de gala et se mettre d’accord sur sa qualité. A titre personnel, je suis née dans la cuisine de ma grand-mère, de ma mère, de mes tantes, je les ai regardées faire pendant des années et un jour, peut-être ce jour où j’ai commencé à écrire vraiment, je me suis jetée à l’eau. Il y a sans doute un parallèle à établir entre la cuisine et l’écriture. Marguerite Duras ne me contredira pas.
IF : Un homme est le fil conducteur de cette histoire. Comment l’as- tu créé ? Représente-t-il pour toi l’homme idéal ? L’inaccessible ?
L’homme idéal ? Non, il n’existe pas, je le sais depuis longtemps ! Je ne crois pas au prince charmant ! L’inaccessible, oui peut-être, l’interdit en tout cas, l’impossible. C’est ce qui le rend aussi romanesque à mon sens.
IF : Tu as ce don, qui fait qu’à la fin du 1 il nous tarde le 2, idem pour le 2. As-tu prévu 5 livres ? Un pour chacune des sœurs ? Une question pour me rassurer et rassurer tes lecteurs qui comme moi se seront attachés à cette famille !
J’aime les rebondissements. Dans la vie comme en littérature. J’aime être surprise et surprendre. Parfois mes chutes narratives me piègent moi-même ! Pour répondre à ta deuxième question, il y aura trois tomes, ça c’est sûr, 5 pourquoi pas si mes lecteurs ne se lassent pas des sœurs Abergel et moi d’écrire sur elles ! J’ai un peu de mal à me projeter plus loin que le livre en écriture immédiate !
IF : As-tu commencé l’écriture du 3 ?
Le plan est terminé oui, mais je voulais publier le tome 2 avant de débuter l’écriture du 3. La saga continue. Léna arrive sur vos tables de chevet et sur vos serviettes de plage, si on est « déconfinés » un jour !
IF : Tu nous fais voyager avec tes personnages entre Toulouse, Paris, Aix en Provence, Tel Aviv. As-tu besoin pour écrire de te trouver dans ces lieux et si oui, comment fais-tu en cette période de confinement ?
J’ai la chance de beaucoup voyager, en France et à l’étranger. Parfois, je pars POUR écrire. Je m’installe comme une étudiante – ou une ermite – dans un quartier de Paris par exemple et je m’emplis des rues, des gens, des odeurs. Pas vraiment du gonzo-journalisme mais une variation ! Je m’immerge ! Je gribouille des notes sur un cahier, je fais des listes sur mon smartphone. Mais je n’écris vraiment que chez moi. Le travail de l’écrivain se construit d’abord dans ma tête.
IF : Si cette saga familiale devait être adaptée au cinéma as-tu déjà imaginé les acteurs pouvant interpréter tes personnages ?
Une série, une pièce de théâtre, un film, on peut tout imaginer avec « Sœurs » non ? Je ne vais pas mentir, j’ai un petit faible pour Tomer Sisley dans le rôle de Fayid ! Ou Tsahi Halevi, un acteur juif israélien qui a épousé une présentatrice de télévision arabe israélienne. Pour les sœurs, j’ai mes actrices préférées parmi nos comédiennes françaises : Héléna Noguerra pour Tsipora, Géraldine Nakache en Ylana, Charlotte Gainsbourg pour Léna, Cécile de France pour Naomi, Leila Bekhti pour Lael. Mais je n’ai pas réellement de casting idéal. Noémie Lvovsky pour la mère peut-être, j’adore cette actrice !
IF : L’écriture est un moyen d’évasion, comme la lecture et le voyage. Je sais que tu pratiques aisément les trois. Si tu ne pouvais en garder que deux ?
La lecture et l’écriture je pense. J’ai besoin de me nourrir des mots des autres et il m’est impossible de ne pas écrire pendant plus d’une journée. Vu l’état actuel des choses, pour ce qui est du voyage, il est évident que nous devons repenser notre manière de nous déplacer quoiqu’il en soit. Ce confinement et cette pandémie mondiale vont, je l’espère, faire évoluer nos comportements.
IF : Pour finir, peux-tu nous dire ce que tu écris en ce moment ?
Grande question ! Quotidiennement, une chronique de confinement sur mon Facebook d’auteure – Karine Sayagh Satragno – qui verra le jour sous la forme d’un recueil illustré par une jeune artiste que j’ai rencontrée à Zanzibar il y a deux mois. Je travaille aussi à un nouveau roman mais je ne souhaite pas en parler encore. Et je vais me remettre à mon bureau pour rédiger le volume 3 de « Sœurs ». Vu l’immobilisme de nos vies, il devrait voir le jour rapidement !
En cette période de confinement, vous pouvez trouver facilement les 2 tomes de la saga Sœurs sur Amazon, en livre papier et numérique. Des séances de lectures et dédicaces se préparent …
Le tome 1 : Soeurs, Tsipora
Ebook: https://urlz.fr/cg09 • Broché : https://urlz.fr/chmA
Le tome 2 : Soeurs, Ylana
Ebook : https://urlz.fr/cg0b • Broché : https://urlz.fr/chms