Régis Jauffret publie Papa aux éditions Seuil, il raconte la vie intime d’un homme qu’il apprend à connaître. L’auteur parlera de son dernier opus lors d’une rencontre à la librairie Ombres Blanches, le mardi 11 février à 18h.
Le 19 septembre 2018, Régis Jauffret regarde un documentaire sur la police de Vichy lorsque, soudain, il reconnait l’immeuble de son enfance. Quelque part dans Marseille. Mais plus étonnant encore, une porte s’ouvre, un homme menotté et escorté de deux gestapistes surgit. L’homme, au visage apeuré, interloqué, c’est Alfred, le père de l’auteur. A l’étonnement succède les questions, les incompréhensions. Pourquoi Alfred est arrêté et amené de force ? S’agit-il d’une vidéo de propagande, d’une mise en scène ? Jamais cette scène n’a été évoquée par le passé. Le père n’a jamais rien dit. Et pour cause, le père ne parle presque pas, il est un être absent.
Regarder en arrière
Régis Jauffret remonte le temps, il veut comprendre l’homme avec qui il a grandi et qu’il connaît si peu. Voire pas du tout. Alfred rencontre Madeleine – la mère. Ce n’est pas vraiment un coup de foudre. Alfred n’est pas spécialement beau. Complexé par son physique et par ses troubles bipolaires, il a des difficultés à aller vers les autres. Alors trouver une femme, il ne sait pas trop comment. Et puis, il est presque sourd. Qui voudrait bien de lui ? Eh bien Madeleine justement qui, malgré les réticences de sa famille, décide de l’épouser. Elle veut un enfant. Le quotidien s’installe, un premier enfant est conçu, Régis, mais il meurt. La lourdeur s’installe encore plus dans le couple, puis un autre Régis arrive, le second, le double. Madeleine tient le foyer, joue les deux rôles, celui de la mère et du père.
Alfred quant à lui reste distant, absent. Presque gênant. Risible parfois quand il parle trop fort parce qu’il n’entend presque plus rien. Le fils a honte, il sera impossible pour père et fils de tisser un lien, se parler, être complice. Alfred ne fait même pas attention à son fils. Alors il faudra attendre toute une vie pour que le père ressurgisse, pour tenter – sinon de comprendre – au moins de raconter l’itinéraire d’un homme rompu, invisible.
Papa est un texte très touchant et lucide. Régis Jauffret y cherche une vérité ou une raison qui expliquerait les silences et les mystères familiaux. On retrouve toute la densité du style de Régis Jauffret qui, de livre en livre, révèle son talent de conteur. Un conteur qui flirte entre réalité et fiction et qui avoue qu’ « il faut toujours se méfier des romanciers. Quand le réel leur déplaît ils le remplacent par une fiction. »
Régis Jauffret, Papa, Seuil, 200 p.
Photo : Régis Jauffret © Astrid di Crollalanza