Louis Chedid est de retour dans la région toulousaine avec un concert programmé le 16 janvier à la salle Horizon de Muret. On ne l’avait pas vu sur scène dans les environs depuis la tournée en famille organisée en 2015. On le retrouvera, plus tendre et apaisant que jamais, avec son dernier album, « Rêveur, rêveur », et bien sûr les grandes chansons qui ont marqué sa carrière comme « Ainsi soit-il » ou « Anne, ma sœur Anne ».

Louis Chedid. Photo Hamza Djenat
Dix ans qu’on vous attend à Toulouse ; ça commençait à faire long !
Beaucoup de gens ont sollicité ma venue et je suis très heureux d’être de retour dans la ville qui m’a mis le pied à l’étrier. C’est en effet dans le petit studio Condorcet que j’ai enregistré mon premier album, en 1973.
On vous a quitté, au Bikini de Ramonville, entouré de vos enfants. Depuis, Jacques Dutronc et Alain Souchon sont partis sur les routes en compagnie de leurs fils. Avez-vous vu leurs concerts ?
Les Dutronc, non. Les Souchon, bien sûr : eux aussi font partie de la famille. C’était lors d’un festival d’été et j’ai adoré cette approche acoustique du répertoire d’Alain.
Qu’est-ce que cela apporte aux chansons ?
J’ai pu le constater lors de ma tournée précédente, avec Yvan Cassar au piano : les gens sont très sensibles au côté épuré du piano-voix ou du guitare-voix. Beaucoup me disaient : C’est fou comme on redécouvre les textes ! Avec des chansons qui tiennent la route, ce qui est tellement le cas de Souchon.
Aimez-vous le principe du duo, en concert ou sur disque ?
L’été 2021, j’ai pratiqué l’exercice avec Alain Souchon car on s’est retrouvés sur les mêmes festivals. On a chanté « On avance », qu’on avait écrit ensemble. A chaque fois, avec Alain, ce sont des moments formidables. Je l’adore. Sur scène, il enchaîne les chansons mythiques comme autant de perles. En plus il est très drôle ; il mène les gens par le bout du nez. Alain, il fait partie de ma famille. Et ses enfants aussi, qui sont très proches des miens. Pourtant, en concert j’aime bien être, du début à la fin, seul chanteur à partager mon bonheur avec le public. Et sur disques, le coup des featuring (participation d’autres artistes, NDLR), je trouve ça un peu lourdingue. C’est faire des coups pour être dans le coup, pas vraiment mon truc !
Chez vous comme chez Souchon, les textes restent pertinents des années après…
Certains trouvent que j’ai eu un côté « devin », ce qui est malheureusement le cas parfois, les choses n’évoluant pas dans le bon sens. « Anne, ma sœur Anne » (sur la montée de l’extrême-droite, NDLR) ou «T’as beau pas être beau » (sur les dégâts occasionnés à l’environnement) ont plus de 40 ans et pourtant elles ont traversé le temps. C’est une chance énorme, comme celle de continuer à faire ce métier depuis plus de 50 ans.
Quel est votre rapport à la scène ? Avez-vous toujours aimé les concerts ?
Je m’y suis tout de suite senti bien. Et pourtant, à mes débuts, dans les années 70, on n’avait le plus souvent droit qu’à trois chansons comme première partie. Ça commençait juste à décoller avec le public et paf ! il fallait laisser sa place. Je voulais tant proposer quelque chose de complet afin que les gens puissent se faire une idée…
Comment choisissez-vous vos musiciens ?
Je leur demande d’être excellents chacun dans sa spécialité. Mais il faut aussi que je me sente bien avec eux. C’est souvent sans problème car les meilleurs sont en général les moins pénibles. Les emmerdeurs, ceux qui piquent des colères ont souvent des problèmes de confiance en eux. Sur cette tournée, ils sont 4 à m’accompagner.
Pour en revenir à votre famille, Mathieu aux guitares, Anna et Emma aux chœurs ont participé à votre dernier album…
C’est un truc plus que naturel chez nous. On demande de venir chanter ou jouer d’un instrument et cela se fait tout seul, chez les uns et les autres. Là encore, quelle chance d’avoir une famille proche qui partage la même passion pour la musique.
Comment avez-vous transmis cette passion à vos enfants ?
Il a suffi qu’ils me voient, petits, jouer de la guitare ou faire aboutir un texte pour que les choses infusent par mimétisme. Je ne leur ai jamais rien imposé, je n’ai pas poussé à la roue, je n’ai pas sollicité de prof de musique pour qu’ils apprennent un instrument. Ma sœur aînée était passée par là et cela l’a dégoûtée à vie de la musique. Quant à moi, je suis un autodidacte complet.
Dans « Rêveur, rêveur », vous continuez à parler d’amour et de bonheur. Et pourtant, la terre ne tourne pas rond…
Parler d’amour, c’est politique. Donner une place aux sentiments, à ce qui peut nous faire du bien, c’est un combat. Certains estiment que cette approche est gnangnan. Au contraire, on est tellement entouré par la morosité, la peur, la crainte même d’une guerre qu’il faut défendre la bienveillance. Il n’y a pas que de la noirceur dans la vie. Les gens que je côtoie ne sont ni méchants ni horribles. Il y a d’autres voies pour s’opposer aux cinglés.
Face à la difficulté de rester au sommet de la création, vous sentez-vous randonneur ou alpiniste ?
Alpiniste ! Quand on a fait beaucoup de disques avec des chansons connues, il est humain pour le public de comparer les nouveautés avec les anciennes. Les gens pensent : Va-t-il nous séduire encore ? Le pire pour moi serait de me reposer sur mes lauriers, de me dire que je n’ai plus rien à prouver. Créer de nouvelles chansons, aller de plus en plus loin, reste un défi qui m’amuse et m’excite.
Votre ami François Morel qualifie votre nouvel album de « rassurant et lumineux ». Vous validez ?
Ça me va, oui. François est quelqu’un que j’aime beaucoup. Il me touche pour plein de raisons. Il écrit très bien (ses chroniques sur France Inter sont remarquables), il n’arrête pas de bosser. Je l’ai vu récemment dans la pièce « Art », qu’il joue avec ses anciens complices des Deschiens, les merveilleux Olivier Broche et Olivier Saladin et c’est formidablement drôle et intelligent. Humainement, il me plaît tout autant. Il donne toujours l’impression qu’il ne comprend pas pourquoi les gens l’aiment autant. C’est un très beau trait de caractère chez les artistes, ceux qui doutent, ceux qui pensent que leur succès tient de la supercherie.
Parmi d’autres qualificatifs, François Morel vous trouve « hédoniste, farceur…et fantôme en devenir ». Qu’est-ce à dire ?
Fantômes, on est tous appelés à le devenir ! Et si c’est mon cas, j’espère m’en amuser. On peut croire à une vie après la mort…ou pas. J’aurais tendance à penser qu’il y a effectivement autre chose : il n’y a pas de raison que tout se régénère dans la nature et pas nous. Mais je suis comme tout le monde, je n’en sais rien : il s’agit là d’un mystère absolu.
Album « Rêveur, rêveur » (PIAS).
Louis Chedid en concert samedi 17 janvier à 20 heures à la salle Horizon Pyrénées de Muret. Tarifs : de 42 à 55 euros.


