La 4ème rencontre de la saison des Arts Renaissants, le mardi 4 février 2025 dernier, a révélé l’indicible beauté musicale de l’ensemble vocal britannique The Gesualdo Six, invité pour la première fois à Toulouse. La découverte in situ de ces six incomparables musiciens ressemble à un miracle vocal. A travers un programme d’une subtilité, d’une imagination inouïes ils ont transporté le public dans un espace idéalisé, comme hors du monde, hors du temps !
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Les chanteurs de l’ensemble The Gesualdo Six – Photo Classictoulouse –
On ne peut ignorer que la Grande Bretagne représente la terre d’élection des ensembles vocaux. La qualité de la Maîtrise de Toulouse fondée et animée par le Britannique Mark Opstad en constitue une preuve qui nous est proche. Fondé en 2014 et dirigé par Owain Park, The Gesualdo Six se produit dans de nombreux festivals majeurs à travers le monde avec le plus grand succès. Il réunit Guy James et Alasdair Austin, contre-ténors, Joseph Wicks et Josh Cooter, ténors, Michael Craddock, baryton, et Owain Park, basse, qui assure également la direction de l’ensemble.
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L’ensemble au complet – Photo Classictoulouse –
L’une des particularités de cette formation réside dans une incroyable dualité entre la qualité individuelle de chacune des voix qui la compose et l’incomparable richesse de leur combinaison. La justesse, la précision, la cohésion, la clarté de la diction constituent les éléments techniques sur lesquels se construit une sorte de perfection de chaque intervention qu’enrichit une infinité de nuances.
En outre, le concert offre un spectacle qui combine les déplacements des chanteurs dans le bel espace de l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines et les associations variables suivant les œuvres interprétées. Comme l’indique Owain Park en ouverture, l’essentiel des pièces présentées adopte la forme liturgique des « complies » qui représentent la dernière prière de la journée. La succession des œuvres interprétées obéit à une sorte de rituel avec un soin particulier apporté aux transitions alors que le répertoire abordé s’étend sur une dizaine de siècles : du Moyen Âge à nos jours ! Le plus extrême raffinement est ici la règle.
Trois pièces du XVIe siècle ouvrent la présentation. Thomas Tallis, avec son motet Te lucis ante terminum, est d’abord chanté par une seule voix de contre-ténor accompagnée par un « chœur » invisible. Puis quatre voix abordent In pace, in idipsum, de John Sheppard. Les six voix se réunissent enfin pour un hypnotique Versa est in luctum, de l’Espagnol Alonso Lobo.
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Pièce à 4 – Photo Classictoulouse –
Ce premier épisode de musique ancienne est suivi d’une succession de deux œuvres d’aujourd’hui : Lumen (Nunc Dimittis), épicé de quelques rares dissonances, de la compositrice britannique Donna McKevitt, et les accents douloureux de Look down, O Lord, de Jonathan Seers. En guise de référence, une pièce de la compositrice emblématique du XIe siècle, Hildegard von Bingen, en l’occurrence O ecclesia, oculi tui, est détaillée par le seul contre-ténor. La réponse à cette référence est signée de Owain Park lui-même. Son Phos hilaron est déclamé par la voix d’ange du contre-ténor entouré de loin par ses complices. L’enchaînement avec Illumina faciem tuam, de Heinrich Isaac, du XVe siècle se fait en douceur.
La suite du concert ménage d’émouvantes successions d’affects, comme la douleur lumineuse de Luca Marenzo (Potrò viver io più se senza luce), ou encore la profonde blessure évoquée par Giovanni Pierluigi da Palestrina (Io son ferrito, ahi lasso). Il fallait absolument que Carlo Gesualdo figurât au programme. Sa pièce à cinq voix, Asciugate i begli occhi, apparaît ici comme la plus moderne de la soirée ! L’audace des modulations ne cessera jamais de surprendre. En outre, l’œuvre de la compositrice britannique d’aujourd’hui, Joanna Marsh, Fading (qui a d’ailleurs donné son nom au programme), semble prolonger celle de Gesualdo par l’originale subtilité de ses accords.
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L’une des dispositions scéniques imaginatives – Photo Classictoulouse –
Après une rare partition à cinq voix du maître estonien de chant choral Veljo Tormis, mort en 2017, et l’œuvre contemplative de la Canadienne d’aujourd’hui Gerda Blok-Wilson, les Gesualdo Six concluent leur prestation sur un lied romantique d’une touchante intensité du compositeur allemand Josef Rheinberger.
Acclamés avec ferveur, les chanteurs offrent comme bis un retour vers Thomas Tallis qui ouvrait la soirée. Cette rencontre ininterrompue a été vécue comme un rêve éveillé. A coup sûr, l’un des grands moments de la saison !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse