The Bikeriders un film de Jeff Nichols
Le dernier opus du réalisateur américain Jeff Nichols ajoute une pierre au somptueux édifice cinématographique qu’il construit, petit à petit, sans précipitation mais avec un talent exemplaire. Une nouvelle et magistrale réussite.
Depuis Shotgun Stories (2007), nous connaissons Jeff Nichols et le suivons avec impatience. Impatience d’ailleurs récompensée avec le sublime Take Shelter (2012), suivi de Mud (2013) et de Midnight Special (2016), des longs métrages d’une sensibilité extraordinaire qui, chaque fois, en disent long sur l’Amérique profonde. Pour The Bikeriders, Jeff Nichols s’est inspiré du livre de photos The Bikeriders publié en 1967 par Danny Lyon. Sur des enregistrements audios réalisés par le photographe lui-même lors de ses prises de vue, Jeff Nichols, avec la licence romanesque que cela implique, a brodé un scénario mettant en scène un clan de bikers : les Vandals. Il existe encore et se trouve en opposition frontale avec les célèbres Hell’s Angels. Pour l’heure, nous voici dans le Midwest des années 60/70 du siècle dernier. Kathy (formidable Jodie Comer) se laisse séduire par un jeune biker, Benny (Austin Butler, méconnaissable physiquement, mais totalement convaincant). Il va l’entrainer dans son sillage de violence et de désespoir, aux côtés de son mentor, le parrain du clan : Johnny (Tom Hardy). Il n’est pas question ici de virées vrombissantes à ne plus en finir, mais plutôt d’une analyse sans concession et pourtant profondément humaine de ces hommes passionnés par leur moto. Jeff Nichols creuse ici avec acuité le mythe de la masculinité/virilité faisant partie intégrante de cet univers, soulignant sa force mais aussi sa fragilité. Un montage ébouriffant de précision, une bande son électrique (David Wingo) et une direction d’acteur au cordeau font de cette fiction un authentique documentaire finalement bouleversant de sensibilité et d’émotion. Que cachent ces hommes en blouson de cuir frappé d’insignes cabalistiques ? La peur du lendemain, la colère d’être des laissés pour compte ? Nous sommes presque dans un cadre ethnologique, mais un cadre que Jeff Nichols fait éclater pour nous conter une magnifique histoire d’amour au cœur de la plus toxique marginalité. Superbe !