Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Au-delà de la gloire de Samuel Fuller
Si Samuel Fuller s’est fait connaître dans les années 1950 et dans les années 1960 par des films noirs (Le Port de la drogue, Les Bas-fonds new-yorkais, Shock Corridor), des films de guerre (Baïonnette au canon, Les Maraudeurs attaquent) ou des westerns (Le Jugement des flèches, Quarante tueurs), c’est avec Au-delà de la gloire en 1980 que le cinéaste, adulé par la Nouvelle Vague (Godard le fit tourner dans Pierrot le fou) signa sa plus belle réussite et l’un des films de guerre les plus impressionnants du cinéma dont il faut voir la version longue, établie en 2005, qui restaure l’œuvre dans toute son ampleur. Inspiré de la propre expérience de Fuller qui servit durant la Seconde Guerre au sein de la 1ère division d’infanterie américaine (« The Big Red One », titre original du film), Au-delà de la gloire suit une escouade menée par le rugueux sergent Possum (Lee Marvin) qui va débarquer en Afrique du Nord, en Sicile et en Normandie avant d’achever sa campagne en Tchécoslovaquie.
Si un surprenant prologue en noir et blanc (avec toutefois une touche de couleur… rouge) met en scène le sergent Possum au cours de la Première Guerre et que le personnage (double fictionnel de Fuller, également auteur du scénario) sera la figure centrale du récit, le film se singularise par son réalisme, son refus de l’héroïsation des combattants, sa dureté, son sens du détail.
Affaire de morale
Auprès du grand Lee Marvin (lui aussi ancien combattant), qui tient sans doute là l’un de ses plus grands rôles dans une carrière qui compta tant de compositions marquantes (Règlements de comptes, Les Inconnus dans la ville, L’Homme qui tua Liberty Valance, A bout portant, Le Point de non-retour, Les Douze Salopards…), Fuller rassemble de jeunes acteurs remarquables (Mark Hamill échappé de sa tenue de Luke Skywalker, Robert Carradine, Bobby Di Cicco…). Tout en montrant la folie et l’absurdité de la guerre, Au-delà de la gloire n’est pas un banal film pacifiste. Il s’agit plutôt d’une chronique sur la survie, variant les registres et les points de vue.
Spectaculaire mais évitant tout effet facile, le film regorge de scènes marquantes à l’image du débarquement en Normandie où l’économie de moyens n’exclut pas la puissance d’évocation et renvoie Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg à sa pyrotechnie et son hémoglobine. On n’oublie pas non plus la scène de la découverte d’un camp de concentration (Fuller participa à la libération du camp de Falkenau). Là encore, la suggestion l’emporte sur le voyeurisme et la démonstration. L’horreur, l’effroi, la stupéfaction sont là, mais l’essentiel se joue hors-champ. Pour la Nouvelle Vague, les travellings étaient affaire de morale. Fuller le démontre magistralement.
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