Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
César de Marcel Pagnol
Dans la « trilogie marseillaise », César occupe une place à part car contrairement à Marius et à Fanny, les deux premiers volets, il fut directement écrit pour le cinéma et non pour le théâtre où il ne sera adapté qu’en 1946, dix ans après la sortie en salles. En outre, il est le seul film de la trilogie à avoir été réalisé par Marcel Pagnol qui succède à Alexander Korda et Marc Allégret. Faisant fi du réalisme et de la chronologie (l’action est censée se dérouler vingt ans après l’épisode précédent alors que l’époque est la même…), César met en scène une nouvelle fois les personnages inoubliables créés par Pagnol, mais s’ouvre sur la mort de Panisse qui tient à ce que Césariot – l’enfant qu’il éleva avec son épouse Fanny – apprenne après sa disparition la vérité sur son géniteur, à savoir Marius, le fils de César.
D’emblée, l’agonie de Panisse illustre l’art de Pagnol, ce mélange de comédie et de drame, le goût des mots et des dialogues, un sens de l’artifice et du jeu qui atteint la vérité des sentiments. La partie de manille des amis de Panisse jouant comme si le défunt était à leur table traduit aussi le subtil équilibre entre burlesque et émotion. Grâce à Pagnol, Marseille devient le centre du monde, le particulier – si bien croqué par les accents et le folklore méridional – rejoint l’universel et César (ainsi que la trilogie dans son ensemble) brasse des thèmes aussi anciens que la tragédie antique : l’amour, la filiation, la mort, la vérité, le mensonge, le pardon…
Comédie humaine
Les acteurs – de Raimu (considéré par le plus grand acteur au monde par Orson Welles) à Orane Demazis en passant par Pierre Fresnay, Charpin, Paul Dullac ou Robert Vattier) – sont au cœur de la réussite de cette comédie humaine à la fois sombre et lumineuse, stylisée et naturaliste. La caméra descend dans la rue, le naturel s’impose, le verbe s’incarne au gré d’échanges qui charrient leur lot de souffrances, de regrets, de rires, de joies, de secrets avec une pudeur qui repousse les ficelles du mélodrame. S’appropriant toutes les potentialités d’un cinéma parlant en pleine évolution et démentant ceux qui ne voyaient dans ses films que du « théâtre filmé », Pagnol s’affirme comme un créateur dont se revendiqueront par la suite le néoréalisme italien comme la Nouvelle Vague.
Près d’un siècle après, Marius, Fanny, César, Panisse, Escartefigue, Monsieur Brun et les autres continuent d’imprimer leurs irrésistibles présences, leurs voix, leurs gestes. Dramaturge, écrivain, cinéaste (comme Sacha Guitry ou Jean Cocteau), Marcel Pagnol est l’un de ces génies déployant son univers grâce à la variété de ses talents.
LES FILMS QU’IL FAUT AVOIR VUS