En salles depuis le 22 novembre, l’Empereur des Français se voit une nouvelle fois incarné au cinéma, cette fois-ci par l’excellent et Oscarisé Joaquin Phœnix sous la direction de Ridley Scott (Gladiator, Blade Runner et bien d’autres) : sur le papier le projet à 200 millions de dollars est excitant mais dans les faits, il pose problème.
Napoléon est-il un bon film ? Chacun se fera son idée et le problème est loin d’être si simple. De mon point de vue, le Napoléon de Ridley Scott n’est tout simplement pas un film. Résumer la vie de l’Empereur en 2h30 est une tâche au demeurant quasi impossible : on peut au pire survoler son sujet et au mieux s’attarder sur des périodes de la vie du protagoniste que l’on porte à l’écran : c’est le choix fait par Joe Wright dans « Les heures sombres » en 2018 qui met en lumière dix jours de la vie de Winston Churchill, magistralement incarné par Gary Oldman qui sera couronné d’un Oscar du meilleur acteur.
Le problème de Ridley Scott, c’est qu’il fait les deux. Napoléon n’est pas un film mais plutôt une succession de scènes et d’éclipses temporelles que le réalisateur ne se donne pas la peine de lier. Comme si son cahier des charges lui avait imposé de parler de la bataille d’Egypte, alors faisons-le sans expliquer pourquoi. Chaque spectateur n’est pas censé connaitre la vie de l’Empereur sur le bout des doigts et on se demande parfois si Scott a fait des recherches poussées pour ce film. Le tout enrobé de fondus blancs qui ne se donnent pas la peine d’être esthétiques.
C’est là le deuxième problème : ce film n’est pas un film historique. En ressortant de la salle, on se dit que c’est davantage la vision personnelle d’un réalisateur qui se fiche des détails historique. Jamais un boulet de canon n’a touché le sommet d’une pyramide et jamais Napoléon n’a chargé avec sa cavalerie à Waterloo : pas grave pour Ridley Scott qui a répondu à un historien : « Tu y étais ? Non. Alors ferme ta gueule » Au delà d’une punchline qui ne fait rire que lui, le réalisateur prouve aux enfants du monde entier qu’ils peuvent balayer d’un revers de main tout le savoir que leur enseignent leurs professeurs d’Histoire. S’approprier un personnage est possible dans le cinéma. C’est plus problématique lorsqu’on fait un film sur le Français le plus célèbre de l’Histoire.
Napoléon n’est pas un film qui dépeint une réalité historique. C’est la vision d’un américain sur l’Empereur des Français. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, elle lui appartient. Les décors et scènes de batailles sont agréables à l’oeil quoi que parfois confuses et rapides, et les deux acteurs qui incarnent le couple impérial font ce qu’on leur demande. Il est probable que Ridley Scott ne porte pas Napoléon dans son coeur (ou n’ai pas compris son personnage) et il voulait le faire savoir au monde : il nous est présenté comme malpoli, vulgaire, peu sur de lui, à aucun moment stratège (!) confus, parfois mythomane et même un peu pédophile pour la raison d’Etat. Si vous doutiez encore de ce constant, la dernière scène du film, l’impression finale que nous laisse cette oeuvre en rentrant chez nous, nous le présente et le canonise comme assassin avec un décompte des victimes de ses batailles.
Napoléon était bien des choses, il est vrai, et ce portrait est parfois juste, parfois exagéré, parfois librement écrit. Mais pour Ridley Scott, Napoléon n’est probablement qu’un tyran de plus de l’Histoire. L’Empereur est mort, vive l’Empereur.